Chargement...
Chargement...

Virginie Adane - 1619 : l'autre naissance des Etats-Unis

1619 : une date clé pour repenser l'histoire des États-Unis et le poids de l'esclavage sur le présent.
Publié le 08/12/2025
A l'occasion de l'édition 2025 du festival "les rencontres de l'histoire" se déroulant à Blois, Virginie Adane vous présente son ouvrage "1619 : l'autre naissance des Etats-Unis" aux éditions PUF.
L'historienne Virginie Adane explore la signification de l'année 1619 dans l'histoire américaine, une date apparemment anodine mais devenue, à postériori, un pivot mémoriel. L'année marque la première vente documentée d'esclaves africains dans ce qui deviendra les États-Unis, en Virginie. À l'époque, cet événement n'est qu'un incident dans le vaste contexte des rivalités coloniales entre puissances européennes, où la traite négrière et le travail des esclaves soutiennent largement l'Empire espagnol, tandis que d'autres nations (Angleterre, Provinces-Unies) cherchent à fragiliser cette hégémonie et à s'accaparer ce commerce.

Le véritable enjeu de 1619 réside dans sa remobilisation en 2019, à l'occasion du 400e anniversaire. Cette commémoration s'inscrit dans un mouvement plus large de présentisme, où la société accorde une place importante à la mémoire des passés douloureux. Des associations et des activistes, notamment afro-américains, ont milité pour que cette date soit reconnue comme un récit africain-américain des origines de la nation, venant compléter—plutôt que remplacer—le récit national traditionnel, centré sur 1776 (l'Indépendance), et l'établissement d'une nation blanche, anglo-saxonne et protestante.

Ce récit alternatif cherche à décliner et diversifier les origines des États-Unis, soulignant la contribution et la présence des Africains-Américains dès le XVIIe siècle. Il s'inscrit dans l'héritage des mouvements sociaux des années 1960-1970 (Droits civiques, populations autochtones, libération des femmes) qui ont commencé à écorner le roman national triomphaliste.

Toutefois, l'usage de 1619 pour forger un "nouveau" roman national est également débattu. Virginie Adane souligne la téléologie inhérente à cette date (les États-Unis n'existent pas en 1619), mais surtout la tentative de penser la longue durée de l'histoire liée à l'esclavage, au racisme et à la ségrégation. Le discours commémoratif de 2019 insiste sur le fait que les inégalités raciales contemporaines sont un héritage direct de ces 400 ans d'histoire douloureuse.

Si la démarche a été accueillie positivement par une partie de la société civile et des historiens y voyant l'opportunité d'un dialogue sur les impensés de l'histoire, elle a été vivement rejetée par l'Amérique nationaliste et suprémaciste de l'ère Donald Trump, qui y voit une remise en question iconoclaste de l'identité et de l'unité nationale.
Bibliographie