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Le Monde d’hier

kedgejettelencre2020
Publié le 22/06/2020
Le Monde d’hier de Stefan Zweig
Tout le monde connaît Stefan Zweig. On a lu Le Joueur d’échecs au collège, ou bien, plus tard, l’une de ses biographies sur Magellan, Balzac ou Marie-Antoinette. Que sait-on pourtant de cet homme brillant, qui a fui le régime nazi et a fini par se suicider en Argentine avec sa femme, en 1942 ?

Dans Le Monde d’hier, Zweig raconte sa vie. Et quelle vie ! Il a le sentiment d’en avoir vécu plusieurs. Son histoire commence à Vienne, à la fin du XIXème siècle, ville insouciante et artistique. Issu de la bourgeoisie juive, Stefan Zweig profite d’une enfance dorée et d’une éducation portée sur la culture. L’enfance, l’adolescence et le passage à l’âge adulte nous sont narrés avec tendresse et par passages choisis.

Jeune adulte, Zweig rencontre des intellectuels dont les noms résonnent encore aujourd’hui. Parmi eux, on peut citer Theodor Herzl, Sigmund Freud ou encore le poète belge Émile Verhaeren, qui inspira le jeune Stefan à développer ses talents littéraires. Il quitte Vienne pour étudier à Berlin, visite Paris, Londres et les Indes Britanniques.

L’Europe de l’avant-guerre semble unie et confiante. Tragiquement, nous, lecteurs et lectrices, savons ce qui va adviendra. Nous savons que ces hommes nés en Europe à la fin du XIXème siècle, confiants dans l’avenir et curieux de leurs voisins, finiront par s’entretuer dans les tranchées. En 1914, Zweig, inapte au combat, voit ses amis de toute l’Europe se refermer sur leur “patrie” et s’épancher en pamphlets sur les nations voisines devenues ennemies. Témoin impuissant de la chute du Vieux Monde, il raconte. Ces chapitres sont déchirants.

En Autriche, on suit l’entre-deux-guerres, les pénuries, les vols, et paradoxalement la vie culturelle battant son plein, les mouvements artistiques nouveaux et le rejet de l’ancien monde au profit d’un ordre nouveau. Zweig y connaît le succès, et voyage à nouveau en Europe. Là encore pourtant, on sait comment cela va se finir. L’inexorable montée en puissance des nationalismes, du fascisme en Italie au nazisme en Allemagne, et à nouveau le déchainement de la folie des hommes.

Le Monde d’hier est une tragédie historique, écrite par un Stefan Zweig brisé, fatigué de son temps et des hommes. C’est aussi un texte plein de tendresse envers sa famille, ses amis, sa femme, et surtout son Europe natale, dont l’idée semble inaccessible lorsqu’il écrit ce livre en 1942.

C’est la première autobiographie que j’ai lue, et elle m’a marqué. Elle ne parle pas de la guerre et de ses horreurs, ni des enjeux géopolitiques qui ont secoué l’Europe. Elle parle de la vie d’un intellectuel idéaliste, qui a vu l’avant, le pendant, et refusa de voir l’après. En 2020, en pleine pandémie, alors que notre propre “monde d’hier” semble si loin, la lecture du Monde d’hier de Stefan Zweig apparaît comme salutaire.

Bibliographie