Un coup de coeur de Mollat
C'était un pari audacieux : délaisser la rigoureuse rationalité de la pensée économique traditionnelle et y injecter – solidement amarré à une théorie philosophique –, un vocable psychologique qui fait la part belle à l'affect, au « contexte ». C'est que, depuis des années, l'orthodoxie en matière d'économie a fait de l'homo œconomicus le chantre d'un individualisme forcené, accaparé par la seule vue de son futur profit ; longues furent les voix dissidentes à se faire entendre, au regard de ce grand modèle de compréhension, ou qui parvinrent à survivre au-delà de leurs contradictions.
L'avènement outre-atlantique des care studies, au début des années 1980, et leur exportation progressive, ont concouru, à ce sujet, à apporter un nouvel éclairage. Les échanges économiques, et plus généralement les dynamiques de marché, ne doivent plus donner de l'individu l'image d'un agent singulier désincarné, aux motivations unilatérales, nous disent les représentants de l'économie comportementale (ramification nouvelle de l'approche économique « standard »). Il existe une autre voie pour penser les mécanismes à l'œuvre, qui n'évacue plus systématiquement les termes d'intention, d'altruisme, de dépendance, de réciprocité ou de coopération mais les intègre au contraire, délaissant l'argument coutumier du simple calcul ; c'est cette voie dont Emmanuel Petit s'efforce de poser les jalons, reprenant à son compte Carol Gilligan et Joan Tronto, pionnières de ces care studies dans le champ philosophique, mais également leurs continuateurs/trices sur le territoire national et ailleurs.
Un court guide à parcourir, donc, pour se familiariser avec ces problématiques à la croisée de l'économie et des sciences sociales.
Coup de cœur rédigé par Camille Dronneau