Un coup de coeur de Mollat
Yaacov Shavit, spécialiste de l'histoire culturelle d'Israël, peu connu du public français, propose dans ce court essai de dresser un bilan concis de l'état de ces recherches, mais aussi de re-situer le débat dans sa dimension théologico-historique, et n'hésite pas pour cela à mettre l'accent sur les limites de la recherche scientifique.
L'auteur cible ses réflexions sur les cinq premiers livres de l'Ancien Testament, la Torah, ou le Pentateuque pour les chrétiens, dont la narration s'étend de la création du monde à la mort de Moïse et raconte la naissance et l'installation du peuple hébreu en terre d'Israël. Il consacre également un chapitre au Livre des Rois, qui se compose essentiellement de récits de guerre, dans lequel des éléments mythiques se rajoutent à des épisodes historiques avérés.
Toute la difficulté de l'entreprise est là: comment départager l'histoire du mythe dans un recueil de livres, dont la rédaction s'étale sur plusieurs siècles ? L'épisode du Déluge et de l'arche de Noé semblerait appartenir au mythe, largement inspiré d'un récit antérieur qui circulait dans la Mésopotamie antique. Il en serait de même pour l'épisode des Tables de la Loi, dont seule la portée théologique semble avoir été prise en compte par l'auteur. Même la sortie hors d'Égypte n'a jamais été étayée par aucune preuve archéologique fiable, alors que pour beaucoup de croyants juifs ou chrétiens, elle s'inscrit dans une réalité historique, celle de la fondation d'un peuple et de la constitution de sa conscience collective.
De ce point de vue, on peut s'interroger sur ce qui fait l'historicité de la Bible. Si on ne considère l'Histoire Sainte que comme une tradition, alors cette tradition possède une historicité qui lui est propre, et qui en plus constitue la seule source écrite sur l'histoire des premiers siècles d'Israël. D'autre part, qu'il y ait eu au cours de sa mystérieuse rédaction des rajouts mythiques ou théologiques, cela doit-il faire oublier les éléments réellement historiques reconnus par la recherche scientifique ? Y a-t-il vraiment un rapport entre le processus d'élaboration et la crédibilité historique du récit ? Comme nous ignorons les intentions réelles des auteurs de la Bible (on considère généralement qu'il y en a eu plusieurs), nous ne pouvons que la concevoir - et la lire - dans une perspective qui, à la dimension historique, n'omet jamais les dimensions théologiques et symboliques.