Un coup de coeur de David Pigeret
Le catalogue de l'exposition Voici Paris dresse, à travers la reproduction des œuvres exposées et trois essais brillants de Quentin Bajac, Clément Chéroux et Françoise Denoyelle, un panorama complet de la création photographique à Paris dans l'entre-deux-guerres. Cette période est une charnière essentielle dans l'histoire de la photographie en France. On assiste, à travers la prise de conscience que la photographie possède une histoire et qu'elle est un art à part entière, à la naissance de la photographie moderne. Cette vision moderniste se caractérise par un goût affirmée de la géométrie de l'espace, des angles de vues audacieux (plongée, contre-plongée, gros plan...), une grande clarté, une frontalité, un refus de la narration... La photographie devient un art autonome qui se détache à la fois du pictural et du littéraire.
L'histoire du modernisme photographique en France se révèle plus compliqué à envisager que dans d'autres pays comme les Etats-unis, la Russie ou Allemagne. Comme le souligne Clément Chéroux, "à Paris, tout paraît plus complexe: pas de chef de file clairement identifié, de moment paroxystique, de lieu fédérateur, ou de style emblématique". On relèvera encore d'autres particularités de ce modernisme naît à Paris comme le fait qu'il soit l'œuvre de photographes avant tout étrangers, issues des différentes vagues d'immigrations, russes, américaines, allemandes, polonaises ou hongroises et que leurs travaux paraissent dans le domaine de la photographie appliquée. C'est ce cosmopolitisme et cette modernité qui furent remise en cause, à partir du milieu des années 30, par Emmanuel Sougez et les membres du groupe Rectangle, au nom d'une tradition française faite de mesure, d'équilibre.
Ce catalogue est somme précieuse, pour tous ceux qui s'intéresse à l'histoire de la photographie en France, à ranger à côté du beau catalogue La subversion des images, paru en 2009, au même éditions du Centre Pompidou.