30 ans à Angoulême

Adulte d'âge mais encore adolescent par l'esprit, on est un petit jeune inexpérimenté pour les vieux et un croulant ringard et "naphtaliné" pour la génération montante. Difficile donc d'être crédible aux yeux d'un milieu aussi hétérogène que celui de la bande dessinée qui voit se mêler spécialistes ultra pointus de la bd underground et fanas des séries grands public diffusées à des millions d'exemplaires.

C'est pourtant le pari qu'accomplit chaque année avec succès, malgré les coups durs, malgré les tempêtes, l'équipe dirigeante du festival. L'équipe d'amateurs volontaires des débuts s'est transformée en staff ultra professionnel. Organisant un des plus impressionnant défilé d'auteurs que l'on puisse imaginer, se mettant en quatre pour concrétiser les délires des commissaires d' expos aux scénographies audacieuses, créant chaque année l'événement, contentant spécialistes et profanes, l'organisation parvient à concilier les extrêmes et chacun y trouve satisfaction.

Le monde change, le monde des images change et Angoulême le sait. Loin de s'endormir sur ces lauriers si chèrement glanés, on a, en Charente, compris l'enjeu que représentaient les nouvelles images, animation, images numériques et l'irruption des nouvelles technologies dans l'univers de la BD. Cette année, le festival a donc fait le pari de changer avec les images et si, une fois encore, on a fait appel à un dessinateur traditionnel pour présider ce festival, François Schuiten est un de ceux qui sont les plus impliqués dans les créations contemporaines. En témoigne son exposition " le théâtre des images " où vont se mêler références à la BD belge classique à travers une expo hommage à Claude Renard, père spirituel de nombreux bédéastes belges des années 70 et 80 ; travaux d'avant garde des éditions Frémok (issues de la fusion des éditeurs Fréon et Amok) ; et travaux de Schuiten et Peters eux même sous la forme d'un film multimédia qu'ils ont réalisé grâce à un procédé révolutionnaire de compression d'images proposé par une entreprise canadienne.

Le second axe privilégié cette année par Angoulême est l'ouverture au monde à travers la présence de créateurs coréens. Au menu, une exposition intitulée Le piment Rouge où une trentaine d'artistes, des plus classiques à la jeune création numérique, présentera ses travaux. Un ensemble de manifestations et spectacles initieront également le visiteur à l'univers culturel des créateurs coréens.

On retrouvera également les habituels hommages : Reiser et Grzegorz Rosinski se verront consacrer chacun une exposition rétrospective.

" Car elle n'est chaque fois ni tout à fait une autre, ni tout à fait la même… " La BD est donc somme le rêve étrange et familier de Verlaine, constante et changeante à la fois ; et c'est le grand mérite du festival d'Angoulême que de rendre compte de cette richesse chaque fois renouvelée.

Rendez-vous sous les remparts !