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Décembre en novembre, bonne nouvelle !

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Publié le 19/11/2004
C'est Philippe Forest qui décroche le Prix Décembre avec le beau Sarinagara (Gallimard).

On a beau tenter de jouer le jeu de l'objectivité dégagée, il faut avouer que certains prix nous ravissent plus que d'autres. C'est le cas pour le prix Décembre (ex novembre) qui revient cette année à Sarinagara de Philippe Forest.

Nous avions reçu Philippe Forest au mois d'octobre. Son livre, bien accueilli par la critique en cette rentrée pourtant très disputée avait à ce moment déjà trouvé un public : les lecteurs de L'enfant éternel , ce roman qui en 1996 lui avait valu le prix Fémina du premier roman ; d'autres, amoureux du Japon et curieux de voir ce que pouvait en dire ce critique, enseignant de littérature et voyageur et, pour finir, des amoureux de la littérature qui avaient découvert l'écrivain avec ce livre au nom curieux, Sarinagara.

Les premiers retrouvaient le long, patient et infini travail de deuil dont L'enfant éternel entamait la chronique. Les seconds ne furent pas déçus par les sorties « forrestiennes » - abruptes et paradoxalement modestes - sur l'art du haïku, battant en brèche les tenant d'un exotisme poétique réducteur : « En vérité : le haïku est un art sans autre mystère que la confusion entretenue autour de lui par l'exotisme spiritualiste des philosophes, des poètes et des autres esprits religieux d'Orient et d'Occident. Ceux qui découvraient à cette occasion la prose de Philippe Forest le faisaient en entrant dans un livre complexe fait de considérations poétiques, de souvenirs personnels et de biographies d'auteurs japonais – un poète, un écrivain, un photographe – a priori sans lien sinon géographique.

Bien sûr, rien n'est aussi simple et il existe bien un lien entre tous les fragments épars. Ce lien, c'est étrangement l'absence, ou la perte ou le néant dont chacun des artistes dont il est ici question a fait l'expérience. Perte d'un enfant pour Issa le poète ou Soseki l'écrivain, néant pour Yamahata qui fut le premier à photographier les victimes du bombardement nucléaire de Nagasaki . De cette expérience « inpartageable », Forest ne dit rien. Il dit simplement la communauté qu'il forme avec ses héros, liés qu'ils sont par une expérience indicible, nous laissant entrevoir que la plusdéchirante des vérités laisse ceux qui la connaissent déchirés mais vivants, incapables d'en témoigner précisemment mais tentant sans cesse d'en approcher, par l'art, l'essence.

L'étrange de titre sur roman, Sarinagara, signifie « cependant », se référant à un poème d'Issa...

Je savais ce monde
Ephémère comme rosée
Et pourtant, pourtant
.

La vérité doit donc se trouve dans ce suspens, dans cet « et pourtant » qui nous dit que l'irréalité des choses ne doit pas nous empêcher des les vivre. Dans ce paradoxe qui fait que l'on ne peut pas s'abîmer tout entier dans une douleur parce qu'autour de nous la vie continue. Il peut être nécessaire de partir très loin pour apprendre cela. Parfois même jusqu'au Japon.