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Les amis d'Amis

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Publié le 12/09/2002
Quand les Anglais s'énèrvent...

Le cahier Livres du quotidien Libération se fait l'écho d'une polémique, bien singulière outre-manche, qui n'est pas sans rappeler celle qui a suivi en France la parution du Livre noir du communisme , publié en 1997 sous la direction de Stéphane Courtois aux éditions Robert Laffont. L'on se souvient du débat passionné qu'avait entraîné la publication de cet ouvrage. Débat centré sur la coupable indulgence dont auraient fait preuve les intellectuels français à l'égard des crimes commis par le régime communiste soviétique dès son avènement.

C'est à peu près le même plat que sert Martin Amis à ses adversaires. A ceci près que ce plat est relevé par le talent polémique de l'écrivain anglais, véritable pop star en ses terres, qui s'est depuis longtemps attribué le rôle de conscience féroce de l'intelligentsia de la gauche anglaise. A ceci près également que la polémique tourne depuis quelques temps au psychodrame. En effet, après avoir interpellé ses amis et son propre (et défunt) père au travers de son dernier ouvrage, Koba the Dread. Laughter and the Twenty Million (Koba le Terrible. Le rire et les Vingt Millions), où Koba n'est autre que le surnom d'enfance de Joseph Staline ; Amis a entamé une violente polémique avec un éditorialiste célèbre, Christopher Hitchens, auquel il reproche, non son indulgence envers les crimes staliniens, mais sa complaisance à l'égard de Lénine et Trotski que l'écrivain qualifie de "putain de menteur et (...) tueur de bonnes soeurs".

Titrée "Ne fais pas l'imbécile", la réponse d'Hitchens ne s'est pas fait attendre. Celui-ci, ancien trotskiste, écrit à son "ami de  trente ans" et, après avoir rappelé son passé violemment antistalinien, l'interpelle : "...Je tremble presque tous les jours à l'idée qu'un survivant du Goulag puisse te lire et découvrir que son expérience a été réduite à (...) une joute littéraire fratricide entre écrivaillons qui se fichent du sujet comme de leur première chemise."

Chacun a ses arguments. Le fait remarquable est que cette polémique, loin de se cantonner au pur débat entre historiens tel qu'il a eu lieu en France, devient le théâtre d'un déballage autocritique saisissant où tel éditorialiste se repent de son indulgence "négligente" envers les crimes staliniens, tel autre tente d'expliquer le passé communiste de son père, tel enfin affirme son indéfectible fidélité à La cause de Léon Trotski sous le titre "Longue vie au tueur de bonnes soeurs", etc.,...

Amis aura au moins eu le mérite de reposer à nouveau le problème du jugement de l'Histoire et de ceux qui la font en énonçant des faits simples : "Tout le monde connaît Auschwitz et Belsen. Personne ne connaît Vortuka et Solovetsky." (goulags soviétiques). Il reste à déplorer que le débat se soit déplacé sur les terres des bruyants intellectuels médiatiques dont la voix amplifiée couvre une fois de plus la parole des historiens.

La palme de la sagesse revient une fois de plus à l'austère Times de Londres : "Koba le Terrible, c'est le livre où Amis nous explique que Staline est méchant."

A suivre lors de la parution de la traduction française de l'ouvrage...