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Les ministres s'embrouillent

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Publié le 07/10/2002
Désaccord au gouvernement sur une procédure d'interdiction à la vente aux mineurs visant deux romans de la rentrée littéraire.

Des associations de protection de l'enfance ont saisi le ministère de l'intérieur afin que ce dernier interdise à la vente aux mineurs deux des romans de cette rentrée. Il s'agit de Rose Bonbon de Nicolas Jones-Gorlin (photo) et de Il entrerait dans la légende du journaliste et critique de cinéma Louis Skorecki.
Le ministère a dans un premier temps saisi la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à la jeunesse et attendu son avis. Cette commission a donc estimé que les deux romans devaient être interdits aux mineurs mais n'a pas recommandé leur interdiction d'affichage et  d'exposition.

Le lundi 30 septembre, Antoine Gallimard, des éditions du même nom, a reçu une lettre recommandée signée du ministre de l'intérieur lui signifiant l'engagement d'une procédure destinée à mettre en application le recommandations de la commission de surveillance. Se reposant sur l'article 14 de la loi de 1949 sur la protection de la jeunesse, le ministre a invité l'éditeur à venir s'expliquer place Beauveau le 5 octobre. Ce dernier qui avait d'ailleurs décidé de retirer temporairement l'ouvrage de la vente au mois de septembre, le temps de recouvrir les exemplaires en partance pour les librairies d'un film de cellophane, a déclaré au journal Le Monde : " J'ai décidé de faire mettre un film plastique sur le livre parce que j'ai pris conscience qu'il pouvait choquer la sensibilité de certains lecteurs. L'achat d'un livre est un acte volontaire ; ce n'est pas comme regarder un film à la télévision ou une publicité. Il était important d'éviter tout malentendu."  Quand à Leo Scheer, éditeur de Louis Skorecki, sa boîte au lettre est pour le moment vide de tout avis de recommandé.

Cette démarche du ministre de l'intérieur a provoqué un véritable tollé chez les professionnels du livre. Journalistes et éditeurs ne voulant pas juger du fond des ouvrages (que d'aucuns disent plutôt médiocres) mais de la forme prise par l'offensive politique. On en est pour l'instant à s'envoyer des noms d'oiseau par tribunes journalistiques interposées alors que nulle décision n'a été officiellement prise. Plus délicates à gérer par Nicolas Sarkozy sont les réserves émises par Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture. Ce dernier, tout en assurant comprendre le sens de la démarche de son collègue gouvernemental et ses préoccupations il est, "par principe, opposé à toute censure d'une œuvre littéraire. Je ne méconnais pas la dureté des textes en question. Mais je crois que l'art et la culture sont là pour explorer sans mièvrerie, sans lâcheté et sans complaisance les méandres de l'âme humaine et les ressorts de la société. C'est un destin que la littérature assume depuis son origine d'une manière qui lui est absolument propre. Plus sans doute que l'image, en effet, le mot, au moment même où il nomme la chose, la met à distance et introduit la place nécessaire à la réflexion et au jugement." Les prochains conseils de ministres vont être mouvementés...

Rappelons que la dernière intervention du ministère de l'intérieur contre un livre visait un recueil d'histoires drôles de Carlos…

En photo : Nicolas Jones-Gorlin