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On a aimé le nouveau Houellebecq

Sérotonine, Michel Houellebecq, Flammarion.jpg
Et si ce nouveau roman de Houellebecq tissait sa toile autour de cette citation d'Aragon : "est-ce ainsi que les hommes vivent" ?
Publié le 04/01/2019
Et si, dans 100 ans, on décryptait la "tristesse contemporaine" des années 2000 par le prisme de l'oeuvre de Houellebecq ?
Il y a, chez Houellebecq, une tension constante entre farce et désespoir. Si l'on rit, mi-choqué mi-amusé, à la lecture de Sérotonine, le coeur se serre devant la misère affective des personnages houellebecquiens.

Grand clown triste alors le prix Goncourt 2010 ?

Sérotonine est peut-être le grand roman de Houellebecq sur la solitude -causes, effets, conséquences.
Sa prose est constamment ponctuée de noms de marques, de slogans publicitaires, d'appellations brevetées. L'incursion de ces marques du réel et du libéralisme dans la littérature provoquent le même malaise que de se promener dans certains quartiers où rien de chaleureux et à taille humaine n'existe, où l'on se sent un produit parmi des enseignes clignotant par intermittence. Où tout semble éphémère et triste, et au fond, nous jette au visage la part d'inhumanité de notre société. 

Florent-Claude, nom idiot donné au narrateur de ce cru 2019, revient sur les grandes amours de sa vie. Ingénieur agro, comme Houellebecq, Florent-Claude n'aura été heureux que le temps d'une histoire avec Camille, étudiante vétérinaire.

Florent-Claude est -très- dépressif, et ce malgré la prise d'un nouvel antidépresseur, le Captotrix qui annihile tout désir, notamment sexuel (ce qui ne l'empêche pas de parler, beaucoup, de sexe.) Il décide de tout plaquer -sa copine japonaise sans coeur et un grand appartement dans une tour- pour d'abord vivre dans un hôtel Mercure place d'Italie parce qu'on peut encore y fumer.
En pistant ses dernières amours, Florent-Claude va sillonner une France rurale en perte de repères et laissée à l'abandon par l'État et l'Europe, incarnée dans le roman par le personnage d'Aymeric. Meilleur ami de Florent-Claude, Aymeric, issu d'une noble lignée, exploite désormais à perte les terres familiales pour y produire du lait. A travers Aymeric et ses échecs, Houellebecq dépeint une révolte paysanne violente, et signe peut-être ici l'un des meilleurs passages du roman.

A sa manière -très- tordue, Houellebecq livre un roman sur l'amour. Un amour idéalisé à travers celui que se portèrent les parents de son personnage, qui moururent volontairement ensemble, main dans la main, dans leur lit. Amour aussi de la littérature, les citations se mêlant aux paysages d'aires d'autoroute, d'hôtel Mercure, de bouteille Volvic. On retiendra particulièrement la citation d'Aragon, et ce poème, troublant pour toujours et à jamais : "Est-ce ainsi que les hommes vivent" ?

Tout est affaire de décor
Changer de lit changer de corps
À quoi bon puisque c'est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j'ai cru trouver un pays.
(...) Est-ce ainsi que les hommes vivent ?

Bibliographie