Sacrées vaches !

C'est Marie-Chantal* qui va être contente... Place Vendôme, le temple du luxe parisien, ses bijouteries aux salons cossus, ses voituriers, sa colonne... et ses vaches. Marie-Chantal, blondinette piquante ; l'opulente Solange, belle et calme comme une odalisque d'Ingres ; Blanchette, pie mystique, Raymonde, qui aime les petits matins solitaires : elles seront toute réunies dans une exposition qui fera vivre l'austère minéralité de la place des bijoutiers à l'heure des ruminations champêtres. Jusqu'à la fin du mois d'août, tendues sur de grandes bâches, elles regarderont calmement s'agiter le parisien avant de s'en aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte.

A la tête de l'entreprise, le photographe Thierry des Ouches, autrefois remarqué pour Requiem, un livre qui mariait images de paysages et carcasses automobiles à l'abandon. Le voici donc de retour avec ses Vaches, initialement publié en 1996 aux éditions Subervie qui lui avaient fait connaître le succès puisque près de 15000 exemplaires de l'ouvrage s'étaient vendus. Déjà, la rigueur amusée de ses clichés, l'attention portée à son sujet et le soin apporté à l'impression lui avaient valu une presse élogieuse, presse également impressionnée par l'élogieuse préface d'Elliot Erwitt. Faisant écho aux Bestiaux de Yann Arthus-Bertrand, à Nos Vaches publié par l'improbable éditeur Un sourire de toi et je quitte ma mère , Vaches participait d'une mode de la vacherie qui sévissait en ce temps. Tasses à déjeuner pies, tâches à coller sur son frigo, imprimés « vachette », la bête à cornes était à la mode.

Relaxation, méditation...

Une crise de la vache folle plus tard, le bovin revient. Pour notre plus grand bonheur. Vaches est certainement le livre le plus apaisant de la production actuelle. Il suffit de consacrer un petit instant à la contemplation des grands yeux de Solange pour se sentir transporté sur les plateaux venteux de l'Aubrac (mais Solange n'est pas une Aubrac), en compagnie des héroïnes de Thierry des Ouches. Paître là, sous l'arbre à l'ombre duquel l'herbe est verte et fraîche, ou partir « au vent glacé sur cette route brûlée libre pour l'éternité » en compagnie d'une vaillante Salers, tout est possible. Mieux qu'un traité de méditation, Vaches est une invitation à la paix de l'âme.

Fruit d'un long travail de la part d'un photographe qui avoue ne pas aimer s'approcher trop près de ses sujet – il préfère photographier depuis les clôtures, c'est plus sûr – le livre rejoint dans nos rayons la longue cohorte de la production « bovinophile ». Ouvrages savants, traités de savoir vivre au champs à l'usage des amateurs, monographies par races et beaux livres. Mais Vaches a ceci de particulier qu'il s'agit avant tout d'une déclaration d'amour. Aux vaches, à la paix et au temps qui passe, tranquille, inexorable...

(*) Marie-Chantal