Annecy, 1918. L’armistice est signé, les trains transportent vers l’hospice les derniers soldats blessés par la guerre. Claire, une jeune novice, voit arriver dans son service un homme meurtri, endormi, et dont le nom reste inconnu de tous. Chargée de son cas, elle va employer toute l’attention et la douceur dont elle est capable pour parvenir à le réveiller, tout en étant chapeautée par le professeur Tournier qui est en charge du service de psychiatrie. A l’heure où cette pratique n’en est qu’à ses ébauches, une constatation est évidente ; les blessés de guerre conservent en eux des troubles psychiques qui ont des répercussions sévères sur leur vie de tous les jours, et c’est ce que le professeur Tournier essaye de soigner chez ses patients.

A travers l’énigme du soldat inconnu, la vie de Claire va être complètement remise en question. Sa volonté d’entrer dans les ordres est-elle vraiment sincère ? Son souhait a toujours été d’aider les autres, mais pas nécessairement à travers la foi qui lui a été imposée. Son travail à l’hospice lui donne un aperçu des possibilités qui lui sont offertes, et des choix qu’elle peut effectuer. Tout en essayant de redonner vie à son patient, elle va développer pour lui une affection qu’elle n’avait pas connue jusqu’alors, et ouvrir les yeux sa véritable vocation : l’émancipation.

Un sujet passionnant et bien documenté – Virginie Ollagnier nous livre une bibliographie à la fin de l’ouvrage – qui explore les conséquences durables de la guerre tout en livrant le destin d’une femme au début du XXe siècle. Le refoulement est présent autant chez Claire que chez l’inconnu ; elle s’enferme dans sa condition, oublie que toute liberté est possible, et s’insurge mentalement contre les inégalités des sexes. Travailler avec le blessé lui fait progressivement réaliser qu’il est inutile de conserver en soi de tels troubles, au risque d’en développer une névrose.

Les deux personnages, malgré leurs passés divergents, se rencontrent au tournant de leur vie et vont s’aider mutuellement, sans forcément en être conscients. Un roman passionnant, immersif, sensible et nécessaire, où l’infini des possibles l’emporte sur l’épouvante engendrée par la guerre. Magnifique !