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Adieu maestro !

Publié le 11/01/2016
Hommage à celui qui a façonné le paysage musical et culturel français depuis plus d'un demi siècle, le compositeur et chef d'orchestre Pierre Boulez, qui vient de nous quitter à l'âge de 91 ans.
Pierre Boulez ne fait pas, c'est le moins que l'on puisse écrire, l'unanimité. Chef d'orchestre, il a conquis les orchestres et les publics du monde entier. Compositeur, il a bouleversé les codes, choqué le public au point de parfois le perdre. Musicologue, il a eu des avis tranchés, des querelles épiques et s'est construit des inimitiés tenaces. Personnage public, il a attisé certaines jalousie, parfois suscité la crainte tout comme il a inspiré le respect, inspiré ses successeurs (qui se sont parfois construits en opposition à son œuvre) et, toujours, il a su provoquer la polémique. Il est ainsi, indiscutablement, un acteur central et incontournable de la musique au XXe siècle.

Dès son plus jeune âge, entrant au Conservatoire, il entre dans la classe de composition d'Olivier Messiean qu'il quitte rapidement, boudant le compositeur qu'il ne juge alors pas assez « moderne ». Il se tourne vers Leibovitz, qu'il abandonnera tout aussi rapidement, estimant son professeur « sclérosé ». Il revient finalement vers Messiaen, disant qu'« échanger Messiaen contre Leibowitz, c'était échanger la spontanéité créatrice, combinée avec la recherche incessante de nouveaux modes d'expression contre le manque total d'inspiration et la menace d'un académisme sclérosant ». Toujours élève du conservatoire, il compose, notamment, à 23 ans seulement, un premier chef-d'œuvre avec la 2e Sonate pour piano, dans laquelle il explore les limites formelles de la musique sérielle pour mieux les dépasser.

Par la suite, son 1er livre des structures est mal accueilli, tant par les opposants que par les défenseurs du sérialisme, tant il s'attache à s'inscrire dans le mouvement tout en dépassant ses contraintes formelles. Répondant à ses détracteurs, principalement aux tenants d'un sérialisme « académique » et attachés au dodécaphonisme, il dira : « Le sérialisme classique, c'est vraiment… la castration ; quelque chose qui m'énerve profondément. J'ai parfois réagi très brutalement, quand, à tout bout de champ, on cherchait à imposer le chiffre douze sans avoir la curiosité d'aller plus loin. Ce qui importe, c'est d'avoir un chiffre modulable ».

Après ces différentes querelles, il travaille avec Pierre Schaeffer autour de la musique concrète, mais là encore, la brouille ne tarde pas et il s'éloigne à nouveau. Si P. Boulez a, pendant un temps, connu une véritable complicité avec John Cage dans l'expérimentation de la création aléatoire, il s'éloigne encore, étant d'avantage partisan d'un « hasard contrôlé » plutôt que d'une méthode machinale de composition purement aléatoire. S'estimant représenter un tournant de la musique, il lui sera toujours difficile de travailler avec d'autres compositeurs. Partisan d'une modernité en rupture totale, parfois violente (il a écrit un article intitulé « Schönberg is dead »), il place au dessus de tout la création et l'exploration permanente, revisitant fréquemment ses propres partitions, plus pour les faire évoluer que pour les corriger, la musique et sa pensée établissant une sorte de dialogue, source d'inspiration.

En tant que chef, d'abord par nécessité, pour diriger les œuvres contemporaines qu'il estime mal servies par les autres dirigeants d'orchestre, il devient incontournable et se retrouve sur le podium des plus grandes formations internationales (Cleveland, New York…). Il est le deuxième chef invité à Bayreuth pour diriger le Ring de Wagner. SA vision de l'œuvre, tout comme la mise en scène de Patrice Chéreau, feront scandale lors des premières représentations avant d'être totalement adoptées par le public wagnérien, qui applaudira pendant 85 minutes, nécessitant plus de 100 montées de rideau, la dernière représentation en 1980. De sa direction, on a souvent dit qu'elle était analytique et cérébrale, alors qu'il a surtout cherché à retrouver, dans les œuvres auxquelles il s'est confronté, l'essence même de la musique, chaque note étant importante mais faisant également partie d'un ensemble tout aussi important.

Pierre Boulez est aussi un théoricien et un professeur. Il a tenu une chaire pendant une vingtaine d'années au Collège de France, fondé l'IRCAM (dans le cadre du Centre Pompidou), la Cité de la Musique, qui deviendra ensuite la Philarmonie de Paris et il a également créé et dirigé l'Académie du Festival de Lucerne, dont il est resté directeur après l'arrêt de ses propres cours en 2015. Pierre Boulez, qu'on l'admire ou qu'on le déteste, est donc un incontestable acteur de la musique « savante » du XXe siècle.


Philippe Provensal, responsable du service de presse de la Philharmonie de Paris, nous introduisait l'an dernier dans l'exposition dédiée à Pierre Boulez :





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