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Alan Lee, une rencontre 1

Publié le 28/04/2008
Suite et fin de notre interview d'Alan Lee, illustrateur du Seigneur des anneaux.

Quel était précisément votre rôle dans la réalisation de ce film ?
Tout l'intérêt de ma présence et de celle de John Howe était d'aider Peter Jackson à créer le film qu'il voulait. Par bonheur, il aimait beaucoup notre travail et attendait notre contribution avec grand intérêt. Ce fut un processus passionnant parce qu'il a vraiment une imagination visuelle débordante. Voici comment ça se passait : nous faisions un dessin par exemple. Celui-ci plaisait beaucoup à Peter, qui voyait tout de suite les possibilités dramatiques. Puis il reprenait le script pour apporter une ou deux modifications. Puis nous travaillions sur la nouvelle version du script, essayant de voir comment lui donner une réalité visuelle. Il s'agissait vraiment d'une collaboration entre des personnes qui ont en commun la volonté de faire la même chose, à savoir créer le film le plus captivant sur le plan visuel, mais également un film qui soit aussi fidèle que possible à l'esprit de Tolkien. Et Peter devenait tout agité lorsque nous arrivions à mettre au point quelque chose qui faisait référence à un élément présent dans le livre, et sur lequel il n'avait pas mis le doigt auparavant lui-même.

Nous nous efforcions vraiment de donner de la profondeur aux décors, plutôt que de créer un film captivant aux décors plats et superficiels. Nous nous efforcions de créer quelque chose qui ait l'air réel et qui ait véritablement une histoire derrière. En fait, quand nous dessinions quelque chose, nous pensions d'une part à la façon dont nous le réaliserions, et d'autre part à la façon dont ça aurait été fait avec les technologies qui auraient été disponibles dans ce monde imaginaire de la Terre du Milieu. Il s'agissait vraiment de donner de la cohérence aux décors.

De toutes ces aventures, artistiques, éditoriales et cinématographique, quelle fut votre préférée ?
Le projet que j'ai préféré ? Oh, c'est une question vraiment difficile dans la mesure où les réalisations dont on peut être particulièrement fier aujourd'hui sont peut-être celles qui ont posé le plus de problèmes sur le coup. Il est probable que cette remarque s'applique d'une façon ou d'une autre à tout ce que j'ai fait dans ma vie. On traverse toujours une période difficile sur le moment, puis on n'y pense plus. Et quand on sous les yeux la version définitive et imprimée, toute belle, on ne se souvient que des bons moments. Il m'est très difficile de choisir une seule chose.

De toute évidence, je pense que l'adaptation cinématographique du Seigneur des Anneaux fut une partie très importante de ma vie, pour ne pas dire une part immense parce que les films m'ont occupé pendant 6 ans dans un autre pays. Ca me rappelle tellement de souvenirs merveilleux, notamment les paysages et les habitants de Nouvelle-Zélande. Ces souvenirs auront toujours une grande importance à mes yeux.

Avec le recul, je pense que l'un de mes livres préférés est celui qui s'intitule Black Ships before Troy. Il a été écrit par Rosemary Sutcliff. Ce fut un immense privilège de pouvoir travailler sur ses textes afin de produire une adaptation pour enfant de l'Iliade. En Angleterre, ce livre se vit attribuer la médaille Kate Greenaway, prix qui récompense chaque année le meilleur livre illustré pour enfant. Ce fut donc un grand honneur. Quand je repense à ce livre, je ressens une fierté particulière. Pour l'illustrer, j'ai dû faire d'importantes recherches. Je me suis efforcé de créer – comme pour Tolkien – un univers crédible pour servir de cadre aux évènements. Mais bien sûr, dans ce cas, les documents qu'il s'agissait de passer en revue étaient à caractère plutôt historique. Oui, il est certain que j'aime les illustrations de ce livre. Elles rendent bien.

Avouez-vous des influences ?
Mes influences viennent en partie de films que j'ai vus quand j'étais petit et qui ont eu un énorme impact sur moi, comme Le voleur de Bagdad. Je ne sais pas si vous connaissez ce film réalisé par Alexandre Korda. Une sorte de nuits arabes superbement imaginatives. C'est du fantastique. Et je peux me rappeler ce film jusque dans les moindres détails. J'avais 8 ans quand je l'ai regardé pour la 1ère fois, et je me souviens encore de l'odeur d'orange imprégnée dans ma robe de chambre, alors que j'étais assis avec mes parents pour regarder ce film sur notre poste de télévision en noir et blanc. Et je continue encore à faire référence à cette expérience, ce sens de l'étonnement qui voit le jour à un certain moment de sa vie, quand on fait la découverte d'un nouveau monde. Je suis sûr que ce moment en particulier a eu une influence pérenne, tout comme d'autres films que j'ai vus.

Je n'ai pas vraiment lu beaucoup de livres illustrés au cours de mon enfance et mon adolescence, jusqu'à ce que je commence à fréquenter les bibliothèques tout seul. Mais j'ai commencé très tôt à lire des légendes traditionnelles et des récits mythologiques. A partir du moment où j'ai découvert ces deux genres, j'ai dévoré tous les livres qui me tombaient sous la main qui parlaient de mythes et de légendes. Et ce fut une expérience particulièrement enrichissante. Je suis toujours extrêmement impatient à chaque fois que je tombe sur une nouvelle légende, enfin une légende que je ne connais pas encore. C'est juste qu'elles ont une telle résonance en moi !

Quant aux influences d'ordre pictural… Probablement la 1ère fois que je suis allé dans un musée, en l'occurrence la National Gallery de Londres, et que j'ai vu des tableaux de Turner, de Rembrandt et tous ces chefs d'œuvre magnifiques. Et une fois de plus, c'est ce moment dont je me souviens avec une sorte d'excitation idyllique. Et ce sont ces mêmes artistes qui m'ont marqué pour la 1ère fois quand j'avais 14 ou 15 ans, quelque soit l'âge que j'avais, ce sont toujours eux que j'admire le plus aujourd'hui. Je ne sais pas si ça veut dire que je n'ai pas du tout évolué… Je pense toujours que Turner est l'un de mes artistes préférés, tout comme Rembrandt. Je crois que ce qui me plaît le plus, c'est l'élément de mystère présent dans leurs tableaux.

Un certain nombre d'autres artistes du XIXe siècle que j'aime beaucoup ont eu une forte influence également. Les peintres pré-raphaélites en particulier. Mais ce sont probablement des artistes tels que Breughel, Jérôme Bosch, Albrecht Dürer ainsi que d'autres peintres de la Renaissance qui ont eu l'impact le plus puissant. Sans oublier bon nombre d'illustrateurs du début du siècle dernier, comme Edmond Dulac, cet illustrateur français qui a immigré en Angleterre et peignait d'admirables livres d'étrennes aux illustrations copieuses. Très beaux. C'était un contemporain d'Arthur Rackham, qui m'a beaucoup influencé également, et ce pendant assez longtemps.

Quel lecteur êtes-vous ?
Mon auteur préféré est l'écrivain argentin Jorge Luis Borges. En ce moment, je lis un livre d'entretiens avec lui. Ses poèmes aussi sont magnifiques, tout comme ses nouvelles.Un autre de mes écrivains préférés est Mervyn Peak, l'auteur de la trilogie de Gormenghast, sans doute mon livre fantastique préféré. Je lis des nouvelles, quand je lis de la fiction. J'aime vraiment beaucoup les nouvelles. Sinon, je lis des récits de vies d'artistes, des biographies, tout ce qui peut m'intéresser ou attirer mon attention. J'ai des goûts très éclectiques en matière de littérature.

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