Mais Anne Garde s'est aussi aventurée sur les chantiers de démolition de cargos à Chittagong, au Bengladesh... Ce goût de l'Ailleurs se manifeste dans ses expositions comme dans ses livres. Ses voyages en Asie lui ont inspiré entre autres Sur les routes de la soie (texte de son double écrivain Laure Vernière, éditions Albin Michel, 1995), Salon Indien (texte de Sylvie Raulet, éditions Hazan, 1996), Japan express (texte de Laure Vernière, éditions du Seuil, 2003) et Pondicherry Masala (même coauteur et même éditeur, 2004). Dans les deux derniers ouvrages, autofictions policières richement illustrées de photographies, deux personnages, l'inspecteur Ramen (alias Anne Garde) et son double littéraire Massima (Laure Vernière), enquêtent sur l'envers de deux pays : le Japon et l'Inde.
Les livres d'Anne Garde s'attardent aussi sur la ville de Bordeaux qu'elle apprécie particulièrement pour la diversité de son patrimoine architectural – les bâtiments néo-classiques contrastant avec la base sous-marine construite par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale ou les constructions contemporaines (Gaz de Bordeaux, hangars de Bacalan dont la façade est inspirée de Mondrian...). Citons Bordeaux la lune (texte de Laure Vernière, éditions Eddibor, 1980), Villégiatures (texte de Monique Canto, éditions Colona, 1982) et Bordeaux : capitale lumineuse (texte de Laure Vernière, éditions Assouline, 2008) ouvrage dans lequel Anne Garde offre un riche panorama de la ville, explore des quartiers très différents : à l'attendu centre-ville s'opposent des lieux moins fréquentés, souvent ignorés comme la base sous-marine, les bassins à flot, les bords de Garonne de la rive droite...
Le pouvoir de séduction des photographies urbaines d'Anne Garde tient avant tout à leur dynamisme : l'utilisation de filés dans les prises de vues nocturnes, l'importance accordée à la lumière, la recherche d'un cadrage original ainsi que l'adoption de différentes focales (la préférence de l'artiste allant de son propre aveu au grand-angle et à la focale normale) donnent vie et mouvement à la ville de Bordeaux.
Pour son dernier livre, Extralight, publié en 2008, l'artiste s'est concentrée sur l'architecture bétonnée de certains lieux chargés d'histoire comme la base sous-marine de Bordeaux, les bunkers de la côte atlantique, les usines Renault de l'île Seguin, les aciéries de Lorraine, etc. et se les est appropriés en imposant sa marque artistique : elle se sert de pigments, d'éclairages supplémentaires pour ressusciter ces structures ; il peut même lui arriver de « mettre le feu » dans les anciennes usines de Renault, faisant ainsi revivre l'intense activité métallurgique passée.
L'originalité et la force des travaux d'Anne Garde exposés aux Vivres de l'Art en mai 2012, également visibles sur son site, nous incitent à prolonger cette rencontre exceptionnelle par la lecture de ses livres. Nous tenons à la remercier pour sa disponibilité et sa gentillesse lors de notre entretien.
Anne Garde vous présente l'exposition "Shipbreaking Yard - Chittagong" qui a eu lieu aux "Vivres de l'Art" à Bordeaux en juin 2012.