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Architecture écologique (2)

Publié le 31/12/2007
Suite de l'entretien avec Olivier Lehmans, architecte, spécialiste de la construction écologique.

Beaucoup de matériaux d'origine naturelle ne sont pas utilisés dans la construction publique en France à la différence d'autres pays européens. Pourquoi selon vous ?
Pour être absolument conforme à la réglementation de la construction, le matériau doit être certifié. Il faut du temps pour que la palette des écomatériaux certifiés s'élargisse pleinement, la certification des matériaux étant assez longue, coûteuse, soumise à la pression de certains lobbies. Le chanvre est en voie de l'obtenir, ainsi que certaines fibres de bois. Certaines techniques issues de l'artisanat ne sont pas répertoriées dans les normes qui s'imposent dans la construction, bien qu'ayant fait leurs preuves depuis longtemps. Outre les contraintes normatives, la production et la distribution de ces matériaux ne sont pas très développées en France, dans un marché de la construction dominé par de grands groupes industriels qui ne s'y sont pas encore intéressés. Un choix politique clair en faveur du développement d'une agriculture et d'une industrie écologiques me semble incontournable.

Pourriez-vous expliquer ce qu'est une maison passive ?
À travers l'étude de l'habitat rural, on peut déjà aborder des techniques d'écoconstruction et des notions de bioclimatisme : les fermes, l'airial5 , le kayolar6 , la yourte, l'igloo, la tente berbère sont des exemples d'adaptation à un usage, un contexte, un climat, un paysage, des ressources locales, qui constituent l'essence même de l'architecture. Aujourd'hui, on s'appuie en plus sur la recherche et l'évolution des technologies (capteurs solaires, qualité des vitrages, des systèmes de chauffage) pour parvenir à construire des maisons très peu consommatrices d'énergie. Une maison passive consomme 80 % de moins d'énergie qu'une maison conventionnelle. Son orientation et son implantation topographique tiennent compte de l'ensoleillement en toute saison. Beaucoup de matériaux peuvent être utilisés : la terre, la chaux, le bois, le verre, les isolants à base de fibres végétales, qui assurent un confort remarquable. La maison respire, favorise les échanges d'air et d'humidité entre l'intérieur et l'extérieur, sans VMC (ventilation mécanique contrôlée), ni chauffage électrique. Certaines maisons produisent de l'énergie qui est restituée dans le réseau public. Grâce aux panneaux solaires photovoltaïques, des quartiers entiers produisent de l'énergie. Nous n'en sommes pas encore là en France. Il faut aller en Suisse, en Autriche, en Allemagne ou en Angleterre pour voir fonctionner de tels systèmes à l'échelle des quartiers.

Quelle différence entre une maison passive et une maison bioclimatique ?
Une maison passive peut être bioclimatique, une maison bioclimatique n'est pas forcément passive. Le principe de l'architecture bioclimatique est l'utilisation des énergies disponibles dans la nature pour faire fonctionner la maison : le soleil, les échanges thermiques avec le sol, le principe du renouvellement de l'air, de son rafraîchissement ou de son réchauffement en fonction des saisons par le sous-sol ou par les brises et les vents locaux. La végétation à proximité de la maison participe à tempérer le climat de l'habitat. L'isolation du toit, par la végétalisation par exemple, est aussi une solution pour réduire les échanges thermiques. L'utilisation d'une serre intégrée au bâtiment, qui évite la surchauffe l'été, permet un apport de calories l'hiver. Avec le puits canadien ou provençal, on utilise la température constante du sol, par des conduites d'air en sous-sol, pour réguler celle de la maison.
La distribution des usages dans la maison contribue à la maîtrise des dépenses énergétiques : les espaces non chauffés sont installés au Nord, les lieux de vie au Sud. Des solutions simples permettent donc de valoriser le rayonnement solaire, les flux naturels de l'air et le site. L'architecte trouvera la forme adaptée à son contexte naturel et humain, à son usage par les habitants.

Beaucoup de maisons écologiques sont auto-construites.
C'est le résultat du travail de ceux qui sont sensibles à l'écologie mais qui, pour des questions budgétaires ou éthiques, ont souhaité bâtir leur maison. Il y a parfois de bonnes surprises en auto-construction. J'aime certaines de ces maisons un peu improvisées et souvent expérimentales. La réflexion de l'architecte me semble cependant fondamentale pour synthétiser et dépasser toutes les exigences de l'écologie et leur donner un sens et une forme contemporaine et équilibrée.
L'architecte peut parfois accompagner l'auto-constructeur ou intervenir à différents niveaux : du conseil technique à l'obtention du permis de construire, à la mission complète où il suit et coordonne les entreprises jusqu'à la livraison du bâtiment.

Une maison écologique coûte plus cher au mètre carré…
Une maison écologique est plus chère au moment de sa réalisation qu'une maison conventionnelle ordinaire. Mais que considère-t-on dans le coût d'une maison ? Est-ce le coût de la construction au moment où on règle l'entreprise ou le coût sur dix, quinze, vingt ans d'utilisation, de confort et d'économies d'énergie ? À long terme, le surcoût disparaît.
Il faut aussi envisager d'autres façons d'habiter que la maison individuelle. On n'a pas grand intérêt à construire une maison écologique au fond des bois, si on prend sa voiture pour aller travailler tous les matins et si l'on doit créer de nouveaux réseaux. La question de l'urbanisme est essentielle. Il faut réfléchir aux agglomérations, à la densification et à l'habitat groupé. Des groupes émergent pour l'achat collectif de terrains et la construction groupée afin de réduire les coûts… À Bordeaux, l'Association H-Nord qui réunit des personnes sensibles aux problèmes environnementaux et urbains, réfléchit à la création d'un éco-quartier sur l'îlot Dupaty. D'autres cherchent des terrains et des solutions juridiques pour ces éco-quartiers qui posent de nouvelles questions : celle de la forme urbaine (mixité, logement individuel, collectif, imbriqués ou pas), des programmes. Voilà l'occasion d'une réflexion plus globale sur la ville qui intéresse certains élus. À Fribourg, Londres, Amsterdam, c'est déjà effectif et opérationnel. La forme est variable en fonction de la politique urbaine et de la réglementation de chaque pays. En France, les règlements d'urbanisme ne sont pas en phase avec ce type de projet puisqu'ils imposent une implantation diffuse. La politique de la ville, la réglementation doivent intégrer tous ces enjeux, sans oublier l'amélioration de ce paysage de bâtiments construits entre 1914 et 1974 qui ne tenaient pas compte de la question énergétique et de la qualité des matériaux.

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