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Dietrich Bonhoeffer, une lueur dans la nuit

Publié le 14/06/2006
L'année 2006 marque le centenaire de la naissance du théologien allemand exécuté par les nazis. Guillaume Boyer, étudiant, a rédigé cette présentation qui vous donnera envie d'en savoir davantage sur le théologien allemand.
Une figure d'espérance. Voilà comment pourrait être défini Dietrich Bonhoeffer dont j'ai voulu, par cet article, entretenir le souvenir, particulièrement en cette année commémorative, pour ne pas oublier. Peut-être l'ai-je fait par « déformation professionnelle », moi l'étudiant d'histoire, peut-être aussi par souci didactique pour le bulletin paroissial qui l'a d'abord publié (que son directeur de publication en soit ici remercié) et dont le nom, DIALOGUE, évoque à lui seul un rempart contre l'ignorance et le racisme, ferments même du totalitarisme. Peut-être enfin et surtout en raison d'une indéfectible foi en Dieu, qui sait ? Mais ce préambule ne saurait être véritablement complet sans remercier Laurent Bouchet et avec lui la Librairie Mollat, sans qui ce qui suit n'aurait pu vous être soumis.

Un enfant de la bourgeoisie intellectuelle allemande
Dietrich Bonhoeffer naît le 4 février 1906 à Breslau, aujourd'hui Wroclaw en Pologne, dans une famille de la grande bourgeoisie intellectuelle. Il est le sixième d'une famille de huit enfants. Si la mère de Dietrich, issue d'une famille de pasteurs luthériens et de militaires, est très pieuse, son père, en revanche, ne fréquente guère l'église. Dietrich réussit son baccalauréat à 16 ans puis part étudier la théologie, d'abord à l'Université de Tübingen puis à celle de Berlin. Il a en effet décidé de devenir pasteur de l'Eglise luthérienne. Sa famille ne manifeste guère d'enthousiasme mais respecte son choix.

Un pasteur protestant, professeur de théologie
Très jeune, il écrit de brillantes thèses universitaires sur l'Église comme corps mystique du Christ, qui le font remarquer dans le milieu universitaire où il commence à enseigner. Parallèlement à son enseignement, il s'engage dans le mouvement œcuménique et international protestant, et noue de précieux contacts avec les Églises étrangères. Il fut étudiant aux Etats-Unis et pasteur stagiaire à Barcelone. Il s'engagea aussi auprès d'enfants d'un quartier défavorisé de Berlin. Le 15 novembre 1931, il est ordonné pasteur. Il a 25 ans. Sa carrière universitaire semble toute tracée.

Un chrétien engagé dans la vie politique
Bonhoeffer, en théologien engagé, dénonce publiquement le régime nazi le jour même de la prise de pouvoir par Hitler en janvier 1933. Il est l'un des fondateurs et animateurs de l'Église confessante, qui s'oppose aux courants majoritaires favorables, soit à une alliance avec le nazisme, soit à la neutralité à son égard. De 1935 à 1937, il dirige ainsi le séminaire clandestin de Finkenwalde en Poméranie, qui a pour but de former des futurs pasteurs de l'Eglise confessante. C'est là qu'il écrit deux livres fondamentaux, Le prix de la Grâce et De la vie communautaire où il affirme l'exigence de la foi et la responsabilité de l'Eglise dans le monde. En 1939, il part aux Etats-Unis pour y donner une série de conférences mais il ne peut supporter cet éloignement et rentre dans son pays à la veille de la guerre.

Agent secret et résistant
Bonhoeffer, conscient du fait qu'une résistance ecclésiastique ne pourrait à elle seule renverser le régime, commence à prendre contact avec des réseaux de résistance, grâce à la complicité de membres de sa famille, haut placés dans l'administration allemande. Il entre ainsi en relation avec le groupe de résistance formé au sein du contre-espionnage. Afin que ses activités ne soient pas découvertes par la gestapo, il obtient alors un poste d'agent secret, ce qui lui permet d'entreprendre des voyages à l'étranger sous cette couverture. C'est ainsi qu'il peut prendre contact avec des résistants, notamment des ecclésiastiques, à l'étranger.

Condamné à mort
Le 5 avril 1943, il est arrêté et interné à la prison de Berlin-Tegel où il passera 18 mois. Fautes de preuves, il est relativement bien traité. Il peut lire la Bible, prier, étudier, écrire à ses proches et à son entourage. Les prisonniers et même les gardiens recherchent sa présence et lui demande des conseils. Sa correspondance a notamment fait l'objet d'un ouvrage intitulé Résistance et Soumission. Il y prédit l'émergence d'un monde dans lequel « l'hypothèse Dieu » n'existe plus, et jette les bases d'une nouvelle manière de penser Dieu et de parler de lui. Il n'a cessé d'espérer en l'avenir d'un monde autre, un monde de paix, réconcilié avec lui-même et avec Dieu.
Suite à l'attentat contre Hitler le 20 juillet 1944, Bonhoeffer est mis au secret pour être ensuite amené au camp de Buchenwald puis de Flossenbürg. C'est là que, le 9 avril 1945, Dietrich Bonhoeffer est condamné à mort par une cour martiale de SS et pendu, en compagnie d'autres membres de la résistance. Il avait 39 ans.

L'influence de Bonhoeffer sur la théologie chrétienne contemporaine reste essentielle. Il est connu, étudié, traduit sur les 5 continents. Certaines de ses œuvres majeures ont marqué, et marquent encore, plus d'un lecteur chrétien, quelque soit sa confession. On a eu tendance à en faire une figure parfois plus politique que religieuse mais chez ce résistant et prophète d'un christianisme non religieux, militance chrétienne, action politique et réflexion théologique sont inextricablement liées.

Guillaume Boyer