onald Edwin Westlake est né le 12 juillet 1933 à Brooklyn,
New-York, de parents d'origine irlandaise. Très jeune, il décide de devenir
écrivain, à 26 ans il trouve un emploi dans une agence littéraire et se lance
dans l'écriture.
Dans une préface il évoque ses débuts : "A certains égards, l'année 1959 fut pour moi une année faste. Je m'étais installé à New-York l'automne précédent, j'avais trouvé un emploi de lecteur chez un agent littéraire et je m'étais enfin attaqué à ce double problème : (a) comment devenir écrivain ; (b) comment en vivre. En 1959, plein de jeunesse, de fraîcheur et d'enthousiasme, je pondis plus de nouvelles qu'à n'importe quelle autre époque de mon existence, et je parvins à en placer la plupart. Une fois la fièvre retombée, il s'avéra que j'avais produit cette année-là plus d'un demi-million de mots publiés (sans parler des mots non publiés) et que j'étais devenu un écrivain indépendant".
Son premier livre The Mercenaries - traduit en français par Le Zèbre (actuellement épuisé) - paraît en 1960. Depuis, sa production et son talent aux multiples facettes ne cessent d'étonner. Doué d'une imagination débordante, Westlake est aussi à l'aise dans le roman noir, le polar social ou à suspense que dans la comédie policière débridée ! Il publie au rythme régulier d'un à deux titres par an, parfois plus. Ainsi Bon app' (1961), L'Assassin de papa (1962), Un Loup chasse l'autre (1963), Festival de crêpe (1964), Le Pigeon d'argile (1965), Les cordons du poêle (1966), Pris dans la glue (1966), Le pigeon récalcitrant (1967), Drôle d'alibi (1969), Kidnap-party (1970), Crédit est mort (1970), Pierre qui brûle (1971), Le paquet (1973), etc etc !
Sur les premiers titres de Westlake, quelques mots de Jean-Patrick Manchette : "Les premiers polars de Westlake sont le chaos qui finit mal, non passionnément, mais mécaniquement : l'absurde. Si celui qui vit par l'épée périra par l'épée, ce n'est pas à cause d'une transcendance : qui vit mécaniquement mourra automatiquement, voilà tout".
Dans le genre de la comédie policière, où il excelle, son héros de prédilection s'appelle John Dortmunder, cambrioleur de son état, poursuivi par la malchance - ce qui autorise péripéties en cascades et humour délirant. L'incipit qui ouvre une de ses aventures, ou plutôt mésaventures, donne la clé du personnage : "John Dortmunder était un homme sur qui le soleil brillait seulement quand il avait besoin de rester dans l'ombre" (in Mauvaises nouvelles). Autrement dit, un génial cambrioleur qui a le chic pour se fourrer dans des situations toutes plus embarrassantes les unes que les autres, provoquant immanquablement le fou rire du lecteur. Dortmunder fait son apparition en 1970 dans The Hot Rock (traduit en français par Pierre qui brûle), on le retrouve ensuite dans Le paquet, Jimmy the Kid, Ca n'arrive qu'à moi, Le ciel t'aidera, Dégâts des eaux, Histoire d'os, Au pire qu'est-ce qu'on risque, Mauvaises Nouvelles, et annoncé en France pour avril 2006 Les sentiers du désastre.
Pour goûter à l'ambiance des Dortmunder, voici un extrait savoureux de Jimmy the Kid :
"Dortmunder, tout de noir vêtu, chargé de son sac de toile plein d'outils de cambrioleur, arrivait du parking du carrefour, par les toits (...) Il s'agenouilla, fit glisser la fermeture Eclair du sac (...)
- Ssssss !
Il se figea, scruta l'obscurité et ne vit rien que l'obscurité. On aurait dit que quelqu'un le sifflait. Sûrement un rat dans une poubelle. (...)
- Ssssssssss !
Grands dieux, un son presque humain. Dortmunder sentit ses cheveux se dresser sur sa nuque, empoigna le ciseau, prêt à frapper, et scruta de nouveau les environs.
- Sssss ! Dort-munder !
Il faillit lâcher le ciseau. Le siffleur avait sifflé son nom (...)
Mon ange gardien, se dit-il. Non, impossible : en admettant qu'il en ait jamais eu, son ange gardien l'aurait laissé tomber depuis longtemps.
C'est Satan, pensa-t-il, mon heure est venue, il vient me chercher. (...)
- Mon Dieu, murmura Dortmunder.
- Dortmunder, chuinta la personne, c'est moi ! Kelp !
- Nom de Dieu ! fit Dortmunder, tellement furieux qu'il en oublia où il se trouvait et balança le ciseau."
Petite parenthèse cinématographique : les amateurs des salles obscures seront ravis d'apprendre que Robert Redford a incarné Dormunter en 1972 dans un film de Peter Yates Les quatre malfrats (d'après The hot rock). De nombreux titres de Westlake/Stark ont fait l'objet d'adaptations, citons entre autres Le couperet de Costa-Gavras, Ordo de Laurence Ferreira Barbosa, Je suis un assassin de Thomas Vincent (d'après Le contrat), Mise à sac d'Alain Cavalier d'après En coupe réglée, Le jumeau de Yves Robert d'après Un jumeau singulier, Escrocs de Sam Weisman d'après Au pire qu'est-ce qu'on risque ? etc... Westlake lui-même a participé à des scénarios de films, qu'il s'agisse d'adaptations de son oeuvre ou de celle d'autrui - il a par exemple signé le scénario des Arnaqueurs pour Stephen Frears, fin de la parenthèse.
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