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Goodbye United Kingdom ! 1

Publié le 25/06/2016
Le Royaume Uni s'est prononcé ce 23 Juin 2016 en faveur de son retrait de l'Union européenne. Si les sondages laissaient entrevoir une victoire du Brexit, les résultats du référendum ont provoqué un véritable choc au sein de l'Europe. Pour éclairer l'impact qu'un tel choix aura sur l'avenir, nous avons fait appel à l'analyse de François-Charles Mougel, professeur émérite d'Histoire contemporaine à Sciences Po Bordeaux et spécialiste de l'Histoire et des élites britanniques.
LE BREXIT : CHOC, PARADOXE ... OU CHANCE ?

À défaut d'être inattendu, le choc est net : avec 51,9% des votants et un taux de participation de 72%, le Brexit l'a emporté. Mais ce choc engendre plus de questions et de paradoxes qu'il n'implique de réponses simples et de solutions rapides.

En effet le retrait sera long et complexe. L'Article 50 du traité de Lisbonne, quand il sera invoqué, prévoit deux ans de négociations. D'où une longue période d'incertitude car il ne s'agira pas seulement de rapatrier des milliers d'élus, de fonctionnaires et de lobbyistes et de reconvertir en droit britannique l'immense arsenal législatif, réglementaire et normatif communautaire mais, surtout, de choisir les modes de relation entre un Royaume-Uni redevenu souverain et l'Union Européenne. Si elle se prononce pour l'indépendance la plus complète, la Grande Bretagne perdra tous les avantages du grand marché qui a été son principal motif de maintien dans l'Europe depuis son adhésion à la CEE en 1973. Si elle veut conserver ses atouts économiques, commerciaux, financiers et humains, elle devra opter pour un statut d'association qui l'obligera, à participer, de près ou de loin, à des mécanismes européens sur lesquels elle n'aura plus de prise réelle. Comment choisir, alors qu'en voulant rendre le pouvoir au "vrai peuple", en dénonçant tout à la fois le déficit démocratique de l'UE et la responsabilité des élites nationales, le Brexit, autre contradiction, ne résout pas la question du pouvoir en Grande Bretagne même. A moins d'élections anticipées, c'est un parti conservateur pro-européen qui devra gérer le Leave même si le nouveau Premier Ministre, sans doute Boris Johnson, affiche ses positions anti-UE. Et que feront les autres élites, l'Establishment traditionnel mais aussi les leaders syndicaux, travaillistes, intellectuels ou artistiques partisans du Remain qui, sauf improbable révolution, devront administrer, au plan politique, économique et social, le repli "national" d'un pays dont la moitié de la richesse vient de son ancrage continental ? A ce propos, n'est-il pas paradoxal de voir que le réflexe populiste du Brexit menace d'ouvrir le pays à une mondialisation extra-européenne, plutôt concurrentielle et libérale, alors que le peuple des Brexiters refuse les excès d'un capitalisme inégalitaire, anti-social et rétrograde ? De même, alors qu'il affiche son attachement à l'unité nationale et ses valeurs intrinsèquement britanniques face à l'immigration et au multiculturalisme, le Brexit ne risque-t-il pas, au vu des résultats régionaux du référendum, de provoquer rapidement deux autres consultations, l'une sur l'indépendance écossaise et l'autre sur la réunification irlandaise ? Au lieu d'un seul Royaume-Uni on n'aurait plus qu'un royaume-croupion isolé, cohabitant dans un même archipel avec deux nouveaux Etats de l'UE: l'Irlande élargie et l'Ecosse souveraine ? Les conséquences sur la nature de la britannité, sur la survie du Commonwealth et sur le statut de grande puissance de ce qui ne serait plus que Little England and Wales seraient immenses et, probablement, négatives.

Ces défis et ces enjeux n'étaient pas inconnus des électeurs avant le 23 Juin, désormais ils doivent être affrontés. Des choix difficiles qui s'annoncent dépendent maintenant non seulement le devenir du Royaume-Uni mais aussi, de près ou de loin, celui de l'Union européenne et du modèle occidental. Ainsi, paradoxalement, le choc du Brexit pourrait devenir une chance .



François-Charles MOUGEL Professeur émérite d'Histoire contemporaine à Sciences-Po Bordeaux


> Retrouvez en podcast la rencontre avec François-Charles MOUGEL autour de son livre, Une histoire du Royaume-Uni, de 1900 à nos jours, publié aux éditions Perrin