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Hongrois rêvés, l'histoire

Publié le 15/10/2006
Aussi brièvement que nous le permettent plus de mille ans d'une Histoire foisonnante, il n'est pas superflu de revenir sur les grands événements qui ont forgé la culture magyare, sa langue, sa mémoire, sa conscience et ses mythes...

Au centre de la Place des Héros à Budapest s'élève une statue monumentale de 36 mètres de haut (photo) : c'est le légendaire Arpad, chef des sept tribus de cavaliers nomades qui déferlent sur le bassin des Carpates en 896, date officielle de l'installation du peuple hongrois en Europe centrale. De cette époque nous est restée une oeuvre, qui est aujourd'hui le texte le plus ancien de la littérature hongroise (d'expression latine) : la Gesta Ungarorum (XIIème).

Entre l'invasion meurtrière des Tartares (1241-1242) et le faste de la cour du roi Mathias Corvin, la Hongrie connaît une fortune changeante, jusqu'à la défaite de Mohacs (1526). Partiellement occupé par les Turcs, le territoire hongrois est alors morcelé. La " poésie guerrière ", de résistance, fait son apparition. Balint Balassi (1554-1594), soldat et poète, est considéré comme le créateur de la poésie nationale. La Zrinyiade, dans laquelle Miklos Zrinyi (1620-1664) relate les exploits de son grand-père, inaugure la poésie épique. Enfin, le protestant Janos Apaczai Csere (1625-1659) contribue, via son Encyclopédie Hongroise (1653) à une plus large diffusion de la langue vernaculaire, véhicule des idées religieuses et identitaires.

A peine libérée des Turcs, la Hongrie subit le despotisme, un temps " éclairé ", de ses libérateurs les Habsbourg. La poésie de Mihály Vitéz Csokonai (1773-1805) et du grand romantique Mihály Vörösmarty (1800-1855) donne ses lettres de noblesse à la langue hongroise, tandis que l'écrivain Ferenc Kazinczy (1759-1831) amorce une réflexion sur la langue magyare qui trouve naturellement sa place dans les revendications indépendantistes et identitaires.

Le 15 mars 1848, la révolution éclate à Pest (menée par le poète Sandor Petöfi 1823-1849 et par Lajos Kossuth, chef de l'opposition politique). Bien qu'écrasée l'année suivante sous la botte d'une alliance austro-russe (Pétofi tombe dans les rangs de l'armée révolutionnaire) elle annonce le " compromis " de 1867, qui donne naissance à l'empire austro-hongrois. Stabilité politique et essor économique sont un temps de retour : c'est la " belle époque ". Celle de la gigantesque exposition de Budapest qui commémore le millénaire de l'établissement des Hongrois dans le bassin des Carpates. Celle des revues littéraires, telle la revue Nguyat (Occident), fondée en 1908 par Lajos Kassak (1887-1967) et dirigée par Mihaly Babits (1883-1941) à partir de 1929. C'est l'âge d'or des " cafés littéraires ", lieux de tous les débats esthétiques et politiques, où se retrouvent Deszö Kosztolanyi (1885-1936), Frigyes Karinthy (1886-1936), ou Gyula Krudy. On est alors résolument tourné vers la modernité de l'Europe occidentale. Endre Ady (1877-1919, sa poésie décadente scandalise ses contemporains) et Zisgmond Moricz (1879-1942), donnent à cette littérature moderne sa voix critique la plus virulente.

Après la débâcle militaire germano-austro-hongroise de 1918, le Traité de Trianon est signé en 1920 : la Hongrie historique est amputée des deux tiers de son territoire (elle perd la Transylvanie, la Voïvodine et la Haute-Hongrie) et de la moitié de sa population. Obsession territoriale et récession économique ouvrent les portes aux extrémismes. La vie culturelle est alors assaillie par les problèmes sociaux et politiques tandis que certains écrivains sont contraints à l'exil (comme Andras Hevesi 1901-1940.)

Figure majeure de l'époque, le poète Attila József engage sa vie pour la défense des libertés et de l'humanisme. Chef de file de l'avant-garde, sa poésie allie les techniques surréalistes au lyrisme de la poésie populaire. En 1935, il fonde la revue Szep Szo (Autrement), antifasciste et antistalinienne, aux côtés de François Fejto. Atteint de délires schizophréniques, il met fin à ses jours.

A la fin des années 1930, la Hongrie adhère à l'Axe et participe en 1941 à l'invasion de la Yougoslavie (dans Jours glacés, Tibor Cseres 1915-1993 met en scène ce sombre épisode de l'histoire hongroise). En 1944, elle est occupée par l'armée nazie qui déporte la population juive (dont Imre Kertesz et Miklos Rádnoti 1909-1944, grand classique de la poésie hongroise, juif et antifasciste, qui meurt en déportation) et livre le pays à la terreur du parti fasciste national, les Croix fléchées. Cette occupation est le décor de l'âge d'or de Ferenc Karinthy (1921-1992, il est le fils de Frigyes K.). Janos Szekely (1901-1958) transfigure l'époque hitlérienne dans les infortunes de Svoboda (" Svoboda " signifie " liberté " en tchèque), histoire rocambolesque, tendre, satirique et tragique d'un personnage naïf abusé par les turpitudes de l'Histoire.

En 1945, l'Armée Rouge libère le territoire hongrois et s'y installe. La dictature stalinienne sévit. Le 23 octobre 1956, le peuple se soulève (nombre d'écrivains sont de la partie) et essuie une féroce répression soviétique. A partir des années 1960, la dictature se " ramollit ", la pression extérieure se relâche, jusqu'à ce que les " réformateurs " permettent l'établissement d'un Etat de droit constitutionnel.

Le 23 octobre 1989, la République de Hongrie est proclamée.


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Bibliographie