Baptisée par les Grecs , dessinée par des limites tantôt dilatées, tantôt rétractées, modelée par l'histoire, l'Europe se construit depuis le Moyen-Age.
C'est dans la transmission des héritages gréco-latins que le Moyen-Age Occidental manifeste le mieux son caractère de passeur des valeurs et des acquis de l'Europe.
Des années 500 à l'an Mil , l'Europe subit de vastes migrations de populations qui, malgré la double tentative de Justinien et de Charlemagne pour reconstituer l'Empire méditerranéen ou pour fonder un empire d'Occident, mènent à la séparation d'un Occident émietté, marqué par la germanisation et la culture latine, et d'un Orient restructuré, marqué par la slavisation et la culture grecque.
Dans les siècles qui suivent l'an Mil, l'Ouest
européen connaît une remarquable phase d'expansion démographique et économique.
Il s'installe dans le système politique et social original de la féodalité, mais
c'est avant tout sur le christianisme que se fonde la civilisation de l'Europe
médiévale et que s'est opérée la fusion des traditions intellectuelles et
artistiques d'origines très diverses.
Mais qu'est-ce que l'Europe du
Moyen-Age en 2004 sinon un passé fort lointain, souvent assombri par les
clichés d'une époque obscurantiste et violente.
Depuis les années soixante dix , l'ouverture de nouveaux champs de recherche et la médiatisation d'historiens médiévistes comme Georges Duby ou Jacques Le Goff, ont contribué à une réhabilitation du Moyen-Age Occidental.
L'aventure médiévale commence vraiment en 1929 avec Lucien Febvre et Marc Bloch lors de la création des Annales d'Histoire Economique et Sociale .
Médiéviste, Marc Bloch modifie alors l'approche de l'histoire médiévale en Europe et introduit une nouvelle façon d'écrire l'histoire, se nourrissant de l'expérience des Sciences Humaines et de la Géographie. Dans un texte de synthèse La société féodale , publiée en 1940, il décrit la société des XIe et XIVe siècles occidentaux, structurée par le système de la seigneurie et une forte hiérarchie sociale.
Mais alors que Marc Bloch, dans les Rois thaumaturges se tourne vers le peuple, Ernst Kantorowicz, historien allemand, s'intéresse à la mise en scène du pouvoir et à ses dimensions culturelles. Les Deux corps du roi démontre qu'au delà de la mort physique du prince, le pouvoir, corps symbolique du souverain se transmet de façon surnaturelle à son successeur.
Passée la seconde guerre
mondiale , une "nouvelle
vague" de médiévistes se distingue au travers des courants marxistes ou
structuralistes. L'évolution épistémologique se poursuit sous l'égide de Fernand
Braudel, spécialiste de l'Espagne et des rois catholiques, avec sa thèse sur
La Méditerranée à l'époque de Philippe II . Ainsi naît le concept de
"longue durée" que l'historien nommera plus tard d'histoire globale. ("Nous
n'expliquerons l'histoire qu'en expliquant le monde.")
Ne pas se heurter au
terme d'un temps immobile et se positionner selon les diverses strates de
l'épaisseur historique est l'apport fondamental de Fernand Braudel. Ce
concept de "long Moyen-Age" est repris, puis défendu, par Jacques Le Goff pour
qui cette période est celle qui nous permet le mieux de nous saisir dans nos
racines, dans notre besoin de comprendre le changement.
Dans sont texte
Pour un autre Moyen-Age , l'auteur nous fait découvrir une civilisation
originale. Mais, c'est la Civilisation de l'Occident
Médi éval qui
demeure son ouvrage de référence. Il y propose une vision anthropologique et
globale de l'époque, orientée surtout vers l'épaisseur concrète et lente de la
vie médiévale, notamment dans le cadre urbain. A partir de sources littéraires,
archéologiques, artistiques ou juridiques, l'historien privilégie le temps et
l'espace médiéval. Espace déterminé par la
connaissance qu'en ont les hommes mais aussi par leurs rêves et par leurs
aspirations.
Fidèle aux préceptes de la Nouvelle Histoire, Georges Duby, s'attache quant à lui à rendre ses recherches accessibles à tous. Parmi ses principaux travaux, Guerriers et Paysans retrace le démarrage de l'économie européenne entre les invasions barbares et l'essor des villes. Il y adopte sans complexe le concept de lutte des classes et de système de production.
Dans les années soixante
dix , utilisant le
concept de "révolution féodale", les formes de domination politique des
seigneurs se trouvent, dès lors, au coeur de ses interrogations et en
particulier dans Les trois ordres ou l'imaginaire du féodalisme.
Le Moyen-Age
occidental s'est ouvert sur l'Europe. Beaucoup d'historiens se sont succédés
depuis la leçon inaugurale de Lucien Febvre, en 1944, où il parlait de la
conscience commune des occidentaux devenue progressivement conscience
européenne.
Le dernier ouvrage de Jacques Le Goff : L'Europe est-elle née au Moyen-Age ? en est la démonstration. De l'échec carolingien à l'Europe des villes et des universités, le chercheur nous entraîne dans un immense voyage à rebours, dans l'espoir que, comprenant mieux leur provenance, les Européens construisent mieux leur avenir.