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Le mont Athos et l'Empire byzantin (2)

Publié le 27/05/2009
Suite et fin de notre dossier sur le mont Athos
Statut et organisation du Mont Athos
Depuis le IVe siècle, le Mont Athos, comme l'Eglise de Grèce, était entièrement sous la juridiction  du patriarcat de Constantinople et bénéficiait de temps à autre de l'aide et de la protection d'empereurs byzantins. Avec la conquête ottomane de Thessalonique en 1430, puis la chute de Constantinople en 1453, les moines athonites devinrent des sujets de l'empire ottoman. L'appareil administratif de cet empire ne s'intéressant pas aux règles et aux coutumes intérieures de la communauté monastique, le statut interne demeura inchangé.
En 1821, la Grèce devint indépendante, mais les moines de l'Athos ne devinrent officiellement citoyens hellènes qu'en 1912.
La Sainte Montagne dispose au plan civil d'une large autonomie au sein de l'État grec. A  Karyès, la capitale, réside un gouverneur civil, émanant du ministère grec des affaires étrangères, et garant de l'ordre public sur la presqu'île. Sur le plan ecclésiastique, le mont Athos reste placée sous la juridiction directe du patriarche de Constantinople.
L'ensemble des monastères s'est doté en 1924 d'une charte, ratifiée par Athènes, qui régit leur organisation collective sous forme de « république monastique ». Ainsi, les monastères sont répartis selon une stricte hiérarchie (en tête la Grande Laure, suivie de Vatopédi, Iviron, etc.), et le pouvoir de leurs supérieurs (higoumènes) est total et sans appel. En même temps, une instance de concertation permet la gestion de leurs intérêts communs : la Sainte Épistasie, renouvelée chaque année – son président, le Protos («premier »), émanant à chaque fois d'un monastère différent – et dont le siège est situé à Karyès.
Chaque monastère fonctionne en autarcie, indépendamment  des communautés voisines. Le mont Athos compte également une douzaine de « skites », sortes de filiales reprenant l'esprit de leurs maisons mères (jusqu'à dépasser parfois celles-ci en importance) et d'innombrables « kellions », petits groupes de maisons où vivent quelques moines. Sans parler des ermitages où sont reclus les solitaires.
Trois formes de vie sont toujours en vigueur sur le mont : le cénobitisme (vie en communauté, sous une même règle), largement majoritaire, l'idiorythmie (chaque moine est libre de conduire son rythme de vie comme il l'entend) et l'érémitisme (vie solitaire dans des ermitages retirés, généralement en lien avec une communauté).

Un trésor de la spiritualité orthodoxe
« Aller à l'Athos, ce n'est pas changer de pays, c'est changer de temps », nous dit le théologien Jean-Yves Leloup. Outre le fait que les athonites suivent un calendrier différent du nôtre (le calendrier julien), la vie de la communauté semble se situer hors du monde. Les moines y mènent une vie d'ascèse stricte et rigoureuse, qui privilégie le silence, le travail, le recueillement et le dépouillement matériel.
Les habitants du mont Athos sont les gardiens d'une longue tradition mystique qui est au centre de la spiritualité orthodoxe, que l'on désigne par le terme « hésychasme » (du grec hesychia, paix de l'âme). Il correspond à un état de paix intérieur, une profonde sérénité, nécessaire pour qui veut « rencontrer Dieu ». Pour cela, les moines orthodoxes récitent inlassablement une très courte prière, connue sous le nom de « prière du cœur ». Elle est également appelée « prière de Jésus » car elle s'adresse directement au Christ, visant ainsi à le rendre présent dans le cœur de celui qui prie. Si les orthodoxes n'ont que tardivement adressé leur prière au Fils de Dieu, préférant d'abord se tourner plutôt vers le Père, la Tradition a toutefois très vite accordé une grande importance au nom même de Jésus.
C'est donc par cette prière, essentielle dans la mystique chrétienne d'Orient, et par une véritable technique basée sur le souffle, que l'hésychaste parvient à créer un lien avec Dieu.
Saint Grégoire Palamas, moine du mont Athos puis évêque de Thessalonique, fut l'un des grands défenseurs de cette tradition. Et après lui, de nombreux auteurs spirituels  ont enrichi ce trésor spirituel à travers le monde orthodoxe, jusqu'à ce que, en 1782, l'évêque Macaire de Corinthe en fasse une compilation : la Philocalie (« amour de la beauté », en grec), ouvrage qui rassemble les prières d'une trentaine de Pères, depuis les Pères du désert jusqu'à Syméon de Thessalonique (XVe siècle).
Cette compilation inspirera au XIXe siècle un petit ouvrage qui aura un immense retentissement : les Récits d'un pèlerin russe, qui racontent la longue itinérance d'un anonyme n'ayant pour seul bagage que la Philocalie et la prière de Jésus.
Si la prière du cœur est la face cachée de la spiritualité orthodoxe, sa face visible est l'icône. C'est le « signe visible de l'invisible », pour Jean-Yves Leloup, qui, comme la prière, amène à la contemplation du Christ. Pour les orthodoxes, l'existence des images et leur vénération dans les églises sont une confession de l'incarnation du Christ : puisque Dieu s'est fait homme, alors il est possible, voire même utile, de le représenter. L'icône symbolise donc l'aspect essentiel de la Révélation, Jésus le fils de Dieu. Cela est resté longtemps étranger à l'Occident, et a donné lieu à de violentes querelles iconoclastes aux VIIIe et IXe siècle. Pourtant, les immenses  fresques qui ornent les murs des monastères et des églises du mont Athos constituent, à l'image d'une spiritualité lumineuse, l'un des plus beaux trésors du monde orthodoxe.