Le yuri doit son origine à une pratique sociale née au début du XXe siècle, le esu aussi connu sous le nom Class S. Ce terme désigne des relations intenses et platoniques entre deux élèves. C’est au début de la scolarisation des jeunes filles dans les établissements chrétiens privés que ce terme apparaît. Les élèves, plongées dans un univers exclusivement féminin, sont encouragées à développer des relations entre elles. Les élèves plus âgées deviennent les onē-sama (grande sœur) des plus jeunes qualifiées de imōto (petite sœur). Ces relations sont basées sur le principe du ren'ai (amour spirituel), essentiellement platonique. Bien que forts, ces liens doivent s’arrêter à la fin de l’adolescence.
Le esu investit le champ littéraire jusqu’à en devenir un genre à part entière. Il se développe progressivement dans les revues shōjo. Dans les années 1930, la majorité des histoires publiées par le magazine Shōjo no tomo sont des esu.
Cependant, lors de la guerre sino-japonaise, la pratique esu est interdite et jugée inappropriée. Ce n’est qu’à la fin de la guerre que ces relations sont rétablies, mais perdent en intensité à l'apparition des écoles mixtes.
Nabuko Yoshiya est l’une des principales auteures du courant esu. Elle publie entre 1916 et 1926 Hana monogatari, un recueil d’une cinquantaine de nouvelles dans les magazines Shōjo gahō et Shōjo Club. Elle met en scène des relations intimes entre jeunes filles, qui prennent la forme d’amitié romantique. Elle publie également en 1919, Yaneura no nishojo, qui raconte l’histoire d’amour entre deux colocataires.
Au début des années 1970, les fictions sortent progressivement du cadre esu. Ryôko Yamagasi publie en 1971, Shiroi Heya no Futari édité chez Shûeisha. Considéré comme le premier yuri, le manga raconte l’histoire de Résine et Simone, deux jeunes filles qui partagent une chambre en pensionnat. Elles tombent amoureuses malgré leur caractère très différent. Lors d’une représentation théâtrale, Simone et Résine s’embrassent sur scène.
Dès lors, des rumeurs commencent à circuler sur la nature de leur relation. Paniquée, Résine coupe les ponts avec Simone, ne pouvant supporter la séparation, elle finira par en mourir. Cette œuvre majeure donne le ton des premier yuri, cette période sera qualifiée d'âge sombre du yuri, car la plupart des mangas publiés se terminent de façon similaire par une mort ou une séparation douloureuse.
Il faut attendre les années 90 et la Convention sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes en 1985 pour que le yuri prenne une nouvelle forme. En effet, dans ce contexte, les femmes gagnent en indépendance et n’ont plus besoin d’un homme pour vivre. De nouvelles relations sont alors envisageables. C’est à la sortie en 1992, du manga Sailor Moon par Naoko Takeuchi que ces changements se manifestent. On suit les histoires d'Usagi, une jeune fille qui se voit confier le pouvoir de se transformer en Sailor. Elle fait la connaissance des autres Sailor, et ensemble lutte contre les forces du mal. Cette œuvre n’est pas à proprement parler un yuri, mais un magical girl (sous genre du shōjo). Cependant, il marque l’histoire du yuri grâce à deux personnages, Sailor Neptune et Sailor Uranus, ouvertement en couple.
L’année 2003 marque le début de la démocratisation du Yuri avec l'apparition des premiers magazines dédiés au genre. Parmi les plus importants, le Yuri Tengoku et le Yuri Shimai. On observe également l’arrivée de relations de type yuri dans d'autres genres comme le seinen avec le manga Devilman Lady de Gō Nagai, ou encore le josei avec Piéta de Nanae Haruno.
En France, les Sailor Neptune et Uranus sont remplacées par un couple hétérosexuel dans l’animé diffusé en 1992. Ce n’est qu’en 2004 que les premières collections Yuri voient le jour chez les éditeurs. La première aux éditions Asaka, mais sera abandonnée en 2006. En 2011, les éditions Taifu comics créent à leur tour une collection à part entière. Plusieurs maisons d'édition suivent le mouvement comme les éditions Akata qui publie de nombreux mangas dans ce genre, ainsi que les éditions Meian qui consacrent une collection à ce genre.
Aujourd’hui, le yuri s'est largement démocratisé et occupe une place à part entière en librairie.