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Les animaux comme métaphore du monde de l'Homme moderne

Une actualité de Libraires BD - Manga
Publié le 24/03/2021
Nos amis les animaux sont, d’une part de fabuleux compagnons, mais également un excellent moyen de métaphoriser le monde qui nous entoure.

Nos amis les animaux sont, d’une part de fabuleux compagnons, mais également un excellent moyen de métaphoriser le monde qui nous entoure.

En 1945, avec l'arrivée et la crainte d’un communisme latent, George Orwell met en exergue la lutte des classes dans son fabuleux roman La ferme des animaux. Le but était simple, dénoncer un fait de société avec comme prisme l’utilisation des stéréotypes et des caractères des animaux. 

C’est également en 1945 que la bande dessinée s’empare de nos chers amis pour raconter mais également pour dénoncer avec La bête est morte de Calvo. Avec la seconde guerre mondiale pour toile de fond, Calvo met en avant les qualités et les travers des différents partis en représentant, par exemple, les allemands par des loups, les américains par des bisons, les anglais par des chiens ou encore les soviétiques par des ours. La férocité, la loyauté ou encore la robustesse sont autant d'attributs mis en avant grâce à la représentation des hommes en animaux.

Métaphore simple mais efficace pour La bête est morte. Mais l’utilisation de nos amis les bêtes ne se fait pas uniquement pour laisser transparaître un trait du corps ou de l’esprit, elle permet également de ne pas citer explicitement des personnes ou des partis (politiques, militaires…).

L’histoire, avec un grand H, est une dimension essentielle dans l’utilisation des animaux dans la bande dessinée. Le bête est morte donc mais le célèbre Maus de Art Spiegelman s’appuie sur le même principe en retraçant l’itinéraire de juifs polonais déporté pendant la période 1939-1945. Ici, le rapport proie/prédateur est plus que présent en décidant de représenter le peuple opprimé par des souris et les tyrans par des chats assoiffés de sang.

Il en va de même dans le manga Beastars, en s'écartant toutefois du climat guerre mondiale pour s’ancrer cette fois dans le présent, avec la cristallisation des frontières entre herbivores/proies et carnivores/prédateurs. Mais un évènement tragique viendra fragiliser les lignes de cette frontière, comme reflet d’une paix éphémère entre deux peuples dans notre monde moderne.

La série Solo met également en exergue cette dimension prédatrice dans un monde post-apocalyptique qui n’est pas sans rappeler le Mad Max de George Miller. La dimension prédateur/proie y apparaît de manière plus violente et viscérale en se rapprochant de la maxime de Charles Darwin “Ce n’est pas la plus forte ni la plus intelligente des espèces qui survivra, mais celle qui est la plus apte au changement”.

La période d’entre deux guerres est également traitée comme dans le tout récent (et excellent) Curtiss Hill ou cette fois ci il est question de la rafle et de l’extermination d’un peuple et de sa tentative de sauvetage par certains patriotes soucieux du destin de leur semblable.

En lien avec l’utilisation subtile et maîtrisée des animaux dans La ferme des animaux de Orwell, deux français accoucheront d’un chef d'œuvre graphique et scénaristique en 2019 avec la publication du premier tome du Château des animaux. Sous le joug d’une dictature présidée par un taureau machiavélique répondant au nom de Silvio, une résistance va se mettre en place en suivant les préceptes de la révolution pacifique de Gandhi. Nous allons suivre le combat de Miss Bangalore, chatte blanche et mère, accompagné d’un rat ermite et d’un lapin gigolo. Véritable reflet d’un communisme soit disant basé sur la répartition et le travail égal pour tous pendant que les têtes s’enrichissent (bonjour Napoléon), Le château des animaux est un hommage parfait en tout point fait à l'œuvre de Orwell. Le graphisme une fois de plus est d’une qualité remarquable, rappelant même les planches d’un certain Blacksad par moment.

Une autre subtile utilisation de nos chers amis se trouve dans les pages du second tome de la série Blacksad, précédemment citée, intitulé Arctic Nation. John Blacksad, un grand chat noir sous stéroïde tout droit issu d’un roman noir de Dennis Lehan, enquête sur un groupuscule ségrégationiste se faisant appeler “l’arctic nation”. Ce groupe exclusivement composé d’animaux polaire, donc blanc, s’attaque aux minorités de couleur. La comparaison ne s’arrête pas là, en effet le symbole de cette nation dissidente ressemble à s’y méprendre au drapeau sudiste.

Toutefois l’anthropomorphie ne sert pas qu’à alimenter les bandes dessinées en messages sur la violence du monde ou sur des questions de ségrégation et de guerre. Parfois elle permet de mettre en avant des genres littéraires pas toujours appréciés ou connus du grand public. L’exemple parfait serait De cape et de croc dans lequel Don Lope accompagné de son fidèle ami Armand Raynal s’embarquent dans une aventure rocambolesque à la recherche d’un trésor légendaire. La particularité de cette série réside dans son écriture, en effet les situations et le récit sont composés comme une pièce de théâtre : de la présentation des lieux aux répliques des personnages tout est prétexte à rappeler au lecteur une ambiance théâtrale avec l’emploi de rimes et de changement de décors abruptes ne manquant plus qu’un rideau se fermant sur la case.

Comme vous avez pu le voir tout au long de ce dossier, l’anthropomorphisme est un excellent moyen pour les artistes de bande dessinée de faire passer un message historique, social et même parfois évolutionniste. Loin d’être toujours pris au sérieux par un certain nombre de lecteurs, les animaux sont un véhicule de pensée et des prodromes extrêmement convaincants permettant de montrer au plus grand nombre que malgré tout l’Homme est, et restera, un loup pour l’Homme.

Les animaux comme métaphore du monde de l'Homme moderne

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