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Les vrais durs ne dansent pas (II)

Publié le 21/04/2004
Deuxième temps de la valse, la suite de notre dossier polar et musique

L'indispensable bande son, J-P. Manchette, G. Pelecanos, V. Despentes, J-F. Vilar, C. Cook.
Le malaise des cadres (Le Petit Bleu de la côte ouest ), des ex-détenus (Voleurs), des réfugiés politiques argentins à Paris (Bastille tango ), des jeunes filles des faubourgs (Baise-moi) et des habitants du ghetto de Washington (King Suckerman , Suave comme l'éternité et Funky Guns ) ont tous un point commun : ils sont constamment baignés dans la musique en arrière-fond qui rythme l'histoire.

Le jazz West coast berce Georges Gerfaut, héros du Petit bleu de la côte ouest , qui fait des tours de périphériques parisiens et permet à Manchette, comme il en est friand, de mettre en rapport actes violents, constats sociaux désarmants et poids du jazz dans les mutations politiques et sociales du vingtième siècle, le tout servi par une écriture remarquable.

Pelecanos et sa trilogie autour du ghetto est édifiante : coups de feu, rythm'n'blues, passages à tabac, soul, casses de faible envergure, hip-hop. Une saga humaine et musicale qui couvre trente ans, des black panthers aux émeutes raciales des années quatre vingt-dix, soit une vision originale et nuancée, parfois surprenante, des problèmes ethniques dans l'une des villes les plus extrêmes : Washington est peut-être l'exemple par excellence de la non-cohabitation de ses différentes composantes et par extension des problèmes sociaux permanents aux Etats-Unis.

Véritable bande-son des années grunge, Baise-moi de Virginie Despentes se présente comme une sorte de Thelma et Louise sans les attributs hollywoodiens, ce road movie relate la folle et violente équipée de deux filles qui ont en commun une désespérance certaine et découvrent ensemble le goût de tuer. Rock et rap se font la part belle dans leur walkman, où l'on croise indistinctement Mudhoney, Suicidal Tendencies, L7 comme Body Count, Public Enemy ou Snoop Doggy Dog...

Dans Bastille Tango , Victor B., héros misanthrope et photographe de Jean-François Vilar, découvre via un club de tango à Bastille le sort peu enviable des réfugiés politiques argentins rappelés par leur pays pour témoigner contre leurs tortionnaires de la junte péroniste. Dans ce roman embrumé et nocturne, on découvre une communauté en proie au doute après le décès de l'un d'eux, renversé par un camion, en plein jour ( meurtre ou accident banal ? ), communauté qui se réfugie dans la sensualité du tango pour échapper à la réalité qui les rattrape.

Plongée dans le deep-south avec Christopher Cook et ses Voleurs, qui commence en road-movie déjanté et sérieusement amoral et évolue vers une véritable rédemption par le blues ! Un violent manifeste pour la fameuse seconde chance, quel qu'en soit le prix...

Les inspecteurs mélomanes, Rebus, Wallander, Resnick, Schneider, Montale
On peut être flic et mélomane ! Nombre de héros de polars sont sensibles à la musique, à l'instar de John Rébus, inspecteur écossais fou des Rolling Stones imaginé par Ian Rankin, de Kurt Wallander, héros des romans du Suédois Henning Mankell, de Charlie Resnick fan de jazz dans la série policière british écrite par John Harvey, du français Hugues Pagan qui prête à son lieutenant Schneider un penchant pour le blues, ou encore du Fabio Montale de Jean-Claude Izzo, passionné, entre autres, par John Coltrane...

A l'image de son groupe culte, les Rolling Stones, John Rebus est un mauvais garçon, inamical avec les chats, surtout celui de sa compagne, en perpétuel conflit avec sa fille, presqu'en guerre ouverte avec ses supérieurs et ses collègues... Témoin privilégié de la société écossaise, de ses clivages sociaux et religieux et bien entendu de ses turpitudes, Rebus n'est pas toujours un personnage sympathique. Pour les besoins de l'enquête, il n'hésite pas à frôler la frontière de l'illégalité. Rien d'étonnant à ce qu'il aime la bagarre, le whisky, le rock'n' roll, et écoute Les Stones, Van Morrison, The Doors, Les Beatles, The Velvet Underground, The Bluesbreakers, Dancing Pigs, Iain Banks, Bob Dylan, Leonard Cohen... Dans Le Jardin des pendus , les chansons citées en exergue de chaque partie sont tirées de l'album The Handing Garden, par The Cure.

Kurt Wallander, l'inspecteur des romans policiers suédois de Henning Mankell a, lui, des goûts plus classiques puisqu'il apprécie l'opéra : Maria Callas, la Traviata, Rigoletto, Aïda,le Requiem de Verdi... Dans La lionne blanche , il est victime d'un cambriolage et on le trouve à la fois révolté et démuni de s'être fait voler sa collection de disques...

 

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Bibliographie