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Lucian Freud, le dernier des classiques

Publié le 02/04/2010
Le Centre Pompidou rend hommage à l'immense peintre britannique, petit-fils de Sigmund Freud, du 10 mars au 19 juillet 2010.
A l'instar d'Alberto Giacometti, qu'il rencontre en 1946 à Paris, et de ses compères de l' « école de Londres » (Bacon, Auerbach …), Lucian Freud retourne, après la seconde guerre mondiale, à la vieille pratique de l'atelier et développe à travers sa peinture une réflexion sur la figure humaine.

L'atelier devient pour lui un lieu destiné non à recréer le monde mais à le révéler. La grande obsession de Lucian Freud est de peindre la réalité, plus justement le sentiment de sa réalité. La réalité vue à travers une subjectivité - la définition même du réalisme de Gustave Courbet. Son œuvre commence par des œuvres au réalisme glacé qui évoquent les artistes de la nouvelle objectivité des années 20/30 et évolue vers une peinture dense, pâteuse qui culmine dans ses grands nus des années 90 avec Sue Tilley et Leigh Bowery.

Il peint la nudité et se délecte de la description des corps et du rendu des chairs. Ses modèles ne nous regardent pas, leurs yeux sont souvent rêveurs, comme ailleurs et les attitudes incongrues qu'ils adoptent sont le fruit de longues séances de poses. Un abandon plutôt qu'une pose. Ses grands portraits dénudés disent ainsi notre présence au monde (à la fois une humanité et une animalité ) car la chair, contrairement au regard et aux postures, ne ment pas.

Mais l'humanité qu'il montre est étrange à plusieurs égards. Les femmes sont souvent dans des poses viriles et ont des corps musclés tandis que les hommes ont des attitudes, des grâces toutes féminines. On trouve même un curieux homme allaitant dans l'arrière fond de Large Interior, Notting Hill, 1998. Par ailleurs, les modèles qu'il peint donnent l'impression d'être travaillés, quelque fois mangés par la matière picturale.

La peinture de Freud va bien au-delà du rendu de la réalité. Elle dialogue avec elle. La matière parle à de la matière. In fine, la réalité semble peindre : voilà un des prodiges de l'art si subtil de Lucian Freud.

Photographie : © procsilas