Sa plume à la fois noire et envoûtante nous entraîne à chaque livre loin de son Royaume-Uni natal si bien qu'on pourrait le confondre avec un auteur américain. Les grands espaces désolés du sud des Etats-Unis (“Seul le silence”, “Papillon de nuit”, “Au nord de la frontière”), du Canada glacial (“Une saison pour les ombres”), mais aussi les grandes villes (“Les anges de New York”, “Les fantômes de Manhattan”) sont le décor principal d’intrigues qui plongent tous ses personnages dans les méandres de leur passé tout en révélant la part cachée de ce vaste pays. L’ambivalence des liens fraternels ou filiaux est la toile de fond de presque tous ses romans noirs : on se souvient des deux frères tueurs dans “Mauvaise étoile” ou, à l’inverse, de frères incarnant la loi dans “Une saison pour les ombres” et “Au nord de la frontière”, ses deux derniers romans.
Que ce soit l’exploration des arcanes du pouvoir américain à travers l’univers de la mafia, (“Vendetta” et “Omerta”), les secrets de la CIA et du FBI (“Les Anonymes”, “Le carnaval des ombres”), ou encore les légendes du NYPD (“Les Anges de New-York”), RJ Ellory excelle à parcourir l’histoire des Etats-Unis, y compris en la revisitant façon uchronie (“Le jour où Kennedy n’est pas mort”).
Ses personnages d’enquêteurs naviguent entre ombre et lumière, écrasés par une culpabilité ou un passé trouble, se débattent pour tenter de survivre, et sont obsédés par la recherche d’un tueur qui s’attaque à d’innocentes victimes. Dans son tout dernier roman, “Au nord de la frontière”, Victor Landis, shérif solitaire d’une petite bourgade de Géorgie (les Appalaches, comme dans “Seul le silence”), tente d’éclaircir le meurtre de son frère avec lequel il s’était brouillé une dizaine d’années auparavant, quand des adolescentes sont retrouvées assassinées… Sa quête d’un passé insupportable va alors se mêler à la découverte d’un présent et d’un avenir qu’il lui faut à présent affronter.
Destins croisés de l’histoire inclue dans l’Histoire, réflexion sur le destin d’un être quand se fissure son idéal, désillusions ou nostalgie d’une enfance qui s’éloigne et d’un passé que rien ne peut racheter, et qui rattrape inexorablement, langue littéraire riche et imagée : voilà quelques uns des “ingrédients” qui génèrent notre enthousiasme pour cet écrivain depuis seize romans !