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Retour sur John Steinbeck

Une actualité de Bélinda B
Publié le 01/12/2018
Il y a 50 ans, John Steinbeck mourrait et nous laissait une œuvre littéraire monumentale sur laquelle nous souhaitions revenir.
Né à Salinas, en Californie, en 1902, John Steinbeck fait des études morcelées, sort de l'université sans être diplômé, mais se découvre un goût pour la lecture et l'écriture ; il veut être reporter mais se voit contraint de passer par divers emplois, notamment sur des chantiers. Néanmoins, l'écriture fut toujours au centre de sa vie, de son premier livre publié en 1929 (La Coupe d'or) à son dernier livre en 1966, un recueil de reportages intitulé Un artiste engagé.
Parmi les thèmes principaux que l'on retrouve dans ses œuvres, il y a les dures années 30, la Grande Dépression, la violence de la société du rendement, qui créé des inégalités de plus en plus forte, plongeant les plus pauvres dans des situations de plus en plus misérables. Il dénonce l'argent maître dans la société américaine et au contraire, il s'intéresse aux ouvriers, aux travailleurs immigrés, à tous les laissés pour compte de l'Amérique, les oubliés. Dans ses textes ressort le clivage insupportable entre des paysans et ouvriers forcés de laisser leur terre à des grand propriétaire les exploitant. Il met en lumière les destinées individuelles, les personnes, et les événements tragiques que vivent ses personnages sont décrits avec précision et concision, la langue de Steinbeck se pare d'une étrange poésie et le tragique des destins devient inévitable, presque systématique (comme dans Des souris et des hommes). Les individus, broyés, poussés à bout, se retrouvent (même les plus militants) à user de moyens douteux, à manipuler, car c'est la seule façon de lutter qui leur reste (c'est le thème de En un combat douteux, où deux syndicalistes viennent aider un groupe d'ouvriers aux conditions de travail misérables qui vont subir des baisses de salaire à organiser une grève).
On retrouve aussi dans ses œuvres une certaine dimension mythique, parfois biblique : dans Les raisins de la colère, une famille de travailleurs sont contraints de quitter leurs terres, épuisées et desséchées, et leur voyage ressemble à un exode vers une terre promise inexistante. On pense aussi au roman A l'est d'Eden, l'histoire tumultueuse de deux familles sur deux générations, où les rivalités entre deux frères rappellent très fortement Abel et Caïn.
A côté de son activité littéraire à proprement parler, il y a les reportages : il fut reporter de guerre, et écrivit des articles sur les travailleurs et leurs conditions de vie et de travail (qu'on retrouve dans Les raisins de la colère : de fines observations, des descriptions précises, qui sont essentielles pour rendre compte simplement et efficacement de ses vies). Son amitié et ses activité de recherche avec un biologiste spécialiste des fonds marins (qu'il admirait profondément et dont il s'inspira pour certains de ses personnages) n'est sans doute pas sans lien avec cette façon d'écrire : il aime la recherche, l'étude des choses, et sans doute de là tire-t-il son écriture particulière, qui mêle l'étude froide et la volonté de comprendre, de faire comprendre. Son écriture est très réaliste, comme ses dialogues qui sont très forts (on pense à Des souris et des hommes) et le décor de ses œuvres est souvent la Californie (comme la ville de Salinas où il a grandit, que l'on retrouve dans le recueil de nouvelles La Grande vallée, empreint d'une nostalgie face à l'enfance perdue) ou les villes ouvrières qu'il a connu.
Les thématiques chères à Steinbeck sont les notions de bien et de mal, les injustices, les libertés individuelles face à une société omnipotente, et la force de ses textes vient du fait qu'il n'est jamais manichéen. L'humour est aussi présent dans ses livres (comme dans Tortilla flat) ; on trouve un côté satirique dans son observation de la société américaine.
Parfois remis en question sur ses talents d'écriture (certains les disaient déclinants), sur son prix Nobel de littérature (quatre autres auteurs avaient d'abord été retenus, puis éliminés, et il dit lui-même lors d'une interview ne pas le mériter), ou encore au niveau politique, il n'en reste pas moins un auteur de référence dans la littérature états-unienne du XXe siècle, et se retourner sur son œuvre nous semble essentiel. Il nous laisse de grands romans qui permettent de mieux comprendre ce que furent les années d'entre-deux guerres aux États-Unis, à la manière qu'avait Dorothea Lange de saisir toute la dureté de cette époque, d'en rendre compte avec force et sobriété avec ses photographies.
Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur Steinbeck, et comprendre les détails de ses œuvres, vous pouvez lire le texte écrit par Marie-Christine Lemardeley-Cunci, très intéressant.

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