Elina ne veut plus d’histoires. Elle veut comprendre. Avoir des clefs pour donner encore un sens à la vie et à l’irruption violente, soudaine, du sentiment de finitude que lui a révélé la mort accidentelle de sa mère. À son âge, Elina devrait « avoir le loisir de ces apaisantes trivialités » qui sont la marque de l’adolescence mais passe le plus clair de son temps à tenter d’ « entrer dans des pièces qui ne sont pas éclairées, au cas où l’essentiel y serait caché ». Le ton est donné. Le larmoiement ici n’est pas de mise. Dans le stimulant roman de Fanny Chiarello, la pensée est à l’œuvre, toujours en ébullition. D’autant plus enfermée dans son univers intérieur qu’elle a cessé de parler depuis l’accident, Elina végète au Jardin des Plantes, aussi immobile que ses pensées sont vives, ricochant à l’infini sans créer de réponses. Quel est le sens de nos vies ? Et si, en courant à l’inverse des aiguilles d’une montre, il était possible de remonter le temps jusqu’au moment où une voiture a renversé « un vélo en petite robe » ? Sur les conseils de Violette, mystérieuse marathonienne privée de l’usage de ses jambes, Elina se met à courir et bientôt accompagnée des musiques enregistrées sur un vieux walkman prêté par Violette, laisse libre cours à ses pensées et apprend à maîtriser son souffle à défaut de pouvoir maîtriser sa vie.

À mille lieues de tout sentiment morbide, La vitesse sur la peau titille l’intelligence du lecteur et multiplie les réflexions subtiles sur le hasard, les coïncidences, la culpabilité. La vie, la mort, la solitude, l’amitié sont au centre d’un roman pétillant, empreint de poésie, habité par des personnages pour le moins originaux et c’est bien aux pouvoirs de la fiction et des histoires -mais aussi de l’art- que rend hommage Fanny Chiarello, à cet espace où la vérité n’est pas de mise mais où la liberté a tout loisir de s’exprimer pour rendre notre « monde plus habitable ». Un petit bijou malicieux, d’une grande finesse à travers lequel Fanny Chiarello continue de tisser le motif qui se dessine dans son œuvre littéraire, quelle s’adresse aux adultes ou aux plus jeunes.

« La solitude s’aménage, se peuple fût-ce d’illusions, tandis que le manque ne se comble pas » écrivait-elle dans Dans son propre rôle. Il semblerait bien en tout cas que les livres de cette très talentueuse romancière se tiennent la main…