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Un coup de coeur de Lucie
Eloge du caché, du discret, de l'obscur : un texte admirable
Jun'ichirō Tanizaki publie ce texte en 1933, qui nous parviendra en traduction française en 1977 grâce au japonologue René Sieffert. Dans cet essai court et subtil, Tanizaki, alors perturbé par l'occidentalisation croissante de son pays, revient sur ce qui selon lui fait la spécificité de l'esthétisme japonais traditionnel : la mesure de l'ombre. Le clair-obscur, la nuance de l'éclairage, la patine des objets, le shōji (ces parois de papier et de bois), tout dans ce texte n'est qu'ode au calme et à la discrétion. On retrouve le goût de l'auteur pour le burlesque dans une ravissante évocation des lieux d'aisance à l'ancienne, mais aussi sa connaissance des arts de la scène dans la description du nô et du kabuki. D'une grande sensibilité, le romancier attire notre attention sur la nécessité de ménager de l'ombre et du secret en toute chose, pour mieux en révéler la beauté.
"Pour moi, j'aimerais tenter de faire revivre, dans le domaine de la littérature au moins, cet univers d'ombre que nous sommes en train de dissiper. J'aimerais élargir l'auvent de cet édifice qui a nom "littérature", en obscurcir les murs, plonger dans l'ombre ce qui est trop visible, et en dépouiller l'intérieur de tout ornement superflu. Je ne prétends pas qu'il faille en faire autant de toutes les maisons. Mais il serait bon je crois qu'il en reste, ne fût-ce qu'une seule, de ce genre."
Un livre culte, admirable, indémodable, à lire en toute saison.
