Un coup de coeur de David Pigeret
Dans les années 1610-1620, la ville de Rome est « la place to be » pour tous les peintres d'Europe. De nombreux artistes français séjournent dans la cité éternelle qui rayonne encore de la révolution du Caravage (mort en 1610) : Simon Vouet, Claude Vignon, Jean Leclerc, Nicolas Tournier, Nicolas Régnier et bien sûr Valentin de Boulogne, le seul qui ne quittera pas Rome et y mourra. Il reçoit la commande d'un tableau (Le martyr des Saints Procès et Martinien) pour la Basilique de Saint-Pierre de Rome, en 1629. Seuls Nicolas Poussin et Simon Vouet, parmi les peintres français, eurent ce grand honneur. La gloire de Valentin de Boulogne fut de courte durée car il disparaît tragiquement une nuit d'août 1932. Suite à une nuit passée à boire et à fumer, il plonge pour se rafraîchir dans l'eau glacée de la fontaine du Babuino et contracte un mauvaise grippe qui lui sera fatale.
Ìl est difficile de comprendre pourquoi Valentin de Boulogne n'est pas plus connu du grand public, comme l'est par exemple Georges de la Tour, l'autre grand caravagesque français (peut-être est-il trop italien pour les français et trop français pour les italiens ?).
Valentin adopte les thèmes iconographiques des suiveurs du Caravage : La diseuse de Bonne aventure, les joueurs de cartes, le concert, des scènes de tavernes... et évidemment le style caravagesque : peinture naturaliste, clair-obscur dramatique, figure grandeur nature, décor minimaliste... mais ajoute des nuances dans le modelé de ses personnages et travaille des couleurs plus riches, plus vénitiennes. Il réinvente Le Caravage dans une peinture moins dramatique, plus musical que le maître. Ses tableaux sont remplis d'enfants, d'adolescents rêveurs et de personnages tristes. Une douceur mélancolique qui fait de lui l'un des plus grands et originaux suiveurs du Caravage avec Manfredi et Ribera.
Ce catalogue d'exposition, signé parmi les plus grands spécialistes du Caravage ou du Seicento (Gianni Papi, Annick Lemoine, Patrizia Cavazzini, Jean-Pierre Cuzin et Keith Christiansen) permet de faire le point sur la formation de Valentin, d'évoquer sa place la peinture à Rome à cette époque, de mettre en lumière la grande originalité du peintre parmi les héritiers du Caravage et de réevaluer son rôle dans l'histoire de la peinture française.
Un catalogue indispensable à toute bibliothèque d'art.