Un coup de coeur de Monica
Le voyage à Berlin est en réalité un retour : Marika y vivait autrefois. Deux mois après la naissance de son enfant, elle quitte l’Allemagne et se réinstalle en France. Aujourd’hui Solal, sept ans, connaîtra enfin son père : c’est la raison du voyage.
Cependant dès les premières pages du roman l’ambiance est lourde, oppressante. Ce n’est pas l’appréhension de Marika à l’idée de retrouver son ancien amour, de présenter à Solal son père. Mais la manière dont Astrid Monet dépeint ce Paris devenu d’un coup étranger, pourtant si familier : il fait extrêmement chaud, 44° et l’on apprend que ce n’est pas une température exceptionnelle. L’air est irrespirable, l’eau commence à manquer. On en meurt. Même sous les yeux des passants.
La tension est accrue par la vigilance quasi-obsessionnelle que Marika consacre à son fils : ces premières pages, à elles-seules, portent les prémices d’un effondrement, et elles sont rudement bien menées. Le lecteur ne peut être que mordu.
Trois jours, seulement trois jours pour passer telle Alice à travers son miroir dans un nouveau monde, mais aussi pour faire vivre à Marika sa plus grande peur : être séparée de son fils.
On n’aurait probablement pas lu Soleil de cendres de la même manière il y a seulement quelques années : aujourd’hui nous savons – pour la plupart – que l’histoire de Marika pourrait être la nôtre. Le monde dans lequel elle évolue est déjà le nôtre : des températures qui grimpent chaque année, des activistes écologistes qui essaient désespérément de faire entendre raison au plus grand nombre, une urbanisation galopante et insensible à la catastrophe annoncée. Et d’un coup, d’un seul, les réfugiés, les survivants, les morts, les disparus, l’armée omniprésente, quittent nos écrans, ils ne sont plus seulement « là-bas » dans un lointain abstrait.
Le personnage de Marika, admirablement construit, avec un passé constitué de souvenirs, de brefs flash-back, un présent qui tient tout entier en la personne de son fils, facilite la projection et la prise de conscience du lecteur qui contemple, hagard, à travers ses yeux, les ruines de ce qu’il pensait acquis.
Dramatique mais rempli d’amour et d’humanisme, Soleil de cendres parvient à être à la fois un roman engagé et un excellent page-turner.
Résolument moderne, porté par une écriture poétique, parfois comme imprégnée par des réminiscences théâtrales, ce récit se lit en apnée et fait résonner toutes vos sirènes d’alerte page après page. Et c’est bien volontaire si je ne vous ai pas résumé toute l’intrigue, il faut vraiment que vous la découvriez vous-mêmes, en lisant le roman d’Astrid Monet.
La ville est saturée de peurs irrationnelles, ces peurs racontent que les incendies se propagent encore, jusqu’en France, jusqu’au Luxembourg, jusqu’en Belgique ; elles murmurent le danger des centrales nucléaires françaises près de la frontière, les réacteurs en surchauffe ; elles prédisent un tsunami sur la côte Atlantique, des tornades en Espagne. Surenchère de panique ou réalité toute proche ? Après les Berlinois, des milliers de personnes subiront-elles le même sort dans toute l’Europe, sans abri, sans ressources, sans eau ?