Un coup de coeur de Anthony G.
Pour ce faire, l’auteur en appelle à un impératif : sortir de la vision scientifique du monde. La révolution intérieure étant selon lui l'une des fondations les plus sûres d’une révolution à grande échelle. Conscient de l’ampleur de la tâche, on peut dire que tout le cœur de l’ouvrage revient à explorer les différentes formes d’émancipation.
S'inscrivant dans la tradition hippie de ces années-là et bien que très critique (et parfois moqueur) de l’usage que peuvent en faire les jeunes, il reconnaît à la drogue des vertus en matière d’exploration de la conscience et des fonctions non intellectuelles de l’Homme. « Pourquoi ne pas faire de ces substances une espèce de charge explosive avec laquelle dégager les voies de perception complètement bouchées par les habitudes cérébrales enracinées de l’intelligence occidentale ? ». Mise en garde cependant : « Il n'y a rien de commun entre un homme de l'expérience et de la discipline d'Huxley qui goûte à la mescaline et un drogué de 15 ans qui sniffe de la colle jusqu'à réduire son cerveau en purée. »
Autres façons de renouer avec une vision non scientifique (et donc plus naturelle et instinctive) du monde : les philosophies orientales, l’occultisme, le chamanisme. Mais aussi la Gestalt-thérapie, cette façon d’accorder davantage de foi en son corps et ses capacités naturelles qu’en la médecine et ses pilules chimiques visant à contrôler ces mêmes capacités. Élargie à la sphère sociale et environnementale, cette façon d’être au monde permet d’être davantage tourné vers la nature et de moins s’en remettre au corps politique.
Enfin, l’art et la fiction incarnent un acteur majeur de la contre-culture. Ses vertus poétiques permettent d’explorer l’utopie. Il faut percevoir dans la fiction une version tout aussi plausible et applicable de la réalité que celle qui nous est imposée.
Cependant, derrière les espoirs nourris ci-dessus se cache une crainte majeure : la propension de la technocratie à absorber et transformer toutes velléités émancipatrices et la faculté de la jeunesse à tomber dans les pièges.
La lucidité nous oblige aujourd'hui à un constat d’échec. Les leitmotivs de la contre-culture tels que la mise en avant de la jeunesse, l’anticonformisme ou l’hédonisme sont devenus des arguments publicitaires et ont participé au développement d’un nouveau consumérisme.
Mais relire ce texte ainsi que nombre de ses modèles cités (Jacques Ellul, Lewis Mumford, Gary Snyder, Norman Brown, Paul Goodman, etc.) permet de renouer avec l’espoir et la vivacité d’esprit qui les animaient alors.
Du reste, il faut lire le chapitre consacré à la technocratie pour saisir non seulement tout le brio de Theodore Roszak mais aussi la dimension tout à fait actuelle de ses analyses.
L'esprit humain cherchant les causes
Détruit ce qu'il veut expliquer
Déforme la beauté des choses
Et tue enfin pour disséquer
- William Wordsworth