Une étude consacrée au système administratif français et à son discours. L'auteure analyse notamment son parcours historique en se focalisant sur un choix textuel de lois emblématiques, les discours politiques et du territoire, entre autres. ©Electre 2024

La France a longtemps été un État très centralisé : le discours administratif se place parmi les discours constituants, étant donné qu'il a instauré un nouveau dispositif énonciatif fondé par l'autonomie du discours juridique uniréférentiel, opérant pourtant sur un plan différent.

Cet ouvrage entend mettre en lumière certains aspects de l'imposant système administratif français, en les rapportant aux moments les plus saillants d'un discours élaboré le long des siècles. L'organisation administrative est un système aussi fascinant que complexe : ses renvois inépuisables activent aussi des champs métaphoriques qui comparent l'administration à une machine, à un appareil, à un engrenage, sinon à un réseau ou un édifice. L'ouvrage se compose de trois parties qui traitent les aspects complémentaires de l'Administration française : l'auteure a suivi le parcours historique en focalisant l'analyse sur un choix textuel de lois emblématiques. Les discours politique et du territoire ont développé leur pouvoir selon trois sémiotiques principales : des lieux, de l'ordre, des charges. À ce propos, l'auteure a suivi une approche dialogique et a pris en considération l'appareil terminologique produit par ces espaces.

La nécessité de mettre au point un « système de gestion » des biens caractérise très tôt l'histoire de la France. C'est d'abord la personne du Roi la seule personnalité juridique qui a imposé son royaume pour instituer les autres services et structures au moyen d'actes juridiques contraignants. C'est là que va se fonder le rôle de l'investissement métaphorique du corps. Le rôle exercé par l'impôt a thématisé de manière spécifique le découpage du territoire selon un procédé de métadonnées, en donnant naissance à des odonymes mémoriels qui ont évolué en circonscriptions, en collectivités territoriales, en débouchant sur les départements et les régions, soumis aux engrenages d'un appareil législatif important et en évolution continue.

La centralisation a évolué en déconcentration, en décentralisation, en action administrative de proximité.

L'usage de la langue française est un aspect aussi marquant : depuis l'ordonnance de Villers-Cotterêts, le français a souvent été le protagoniste du renouveau institutionnel de la Nation et de son système administratif La langue utilisée s'est articulée au discours d'autorité par une législation spécifique. A été aussi pris en considération l'apport des hommes qui ont incarné ces structures, comme le maréchal Vauban, l'abbé Sieyès, Alexandre Ledru-Rollin ou Napoléon Bonaparte par son système législatif appliqué aux principaux aspects de l'Empire. La notion de charge a aussi retenu l'attention, pour la création de ce labyrinthe formé par le petit personnel administratif comme les officiers royaux, les intendants, les commis ou par celui plus influent des maîtres de requêtes, des fonctionnaires des cabinets ministériels et des entreprises publiques, mais surtout des préfets, en parvenant ainsi à la notion de « grands corps » de l'État : l'évolution de l'École Nationale d'Administration, sur la proposition de Charles de Gaulle et Michel Debré pour une refonte du système de recrutement des fonctionnaires d'État remonte au XIX^e siècle, au moment de la formation de l'École libre de Sciences politiques. Cependant, depuis les années 1990, même l'État a pris une connotation différente : il ne s'agit plus de contenir la dépense publique ou de le réorganiser, mais de contester son fonctionnement, voire son périmètre. L'État est jugé mal adapté aux enjeux d'une société en crise, car il est trop rigide et parfois trop coûteux.

Ce livre est tourné vers l'utilisation, par des lecteurs intéréssés à ces sujets ou par des étudiants, de catégories d'analyse complémentaires, par le regard spécifique posé sur la dimension sémantique, l'intrication et le rôle de la communication langagière dans la décodification de messages administratifs et institutionnels diversifiés.

Sur ce dernier point comme sur tous les précédents, tout en assumant les limites de ce livre, l'auteure tient aussi à souligner la complémentarité des approches, historique autant que langagière ou discoursive.