Un coup de coeur de Jean-Baptiste G.
A travers une analyse des discours et de l'usage de la propagande des régimes nazi et soviétique, l'historien révèle la manière dont ces idéologies se firent les relais d'une promotion sociale et d'une gratification symbolique pour des catégories en quête de distinction et d'opportunité. Ce processus devait aboutir à un « millénium de félicité pour l'humanité prolétarienne ou aryenne ». Fin de l'histoire pour les uns, sortie de l'histoire pour les autres, la fabrique de l'Homme nouveau s'appuyait autant sur un processus d'inclusion et de promotion extrême de l'idéal de bonheur que sur un processus d'exclusion radical de tout ce que l'on considérait comme une entrave à ce dernier.
Promettre, promouvoir, protéger et fasciner : telles sont les étapes que détaille Bernard Bruneteau et par lesquelles s’imposèrent, selon lui, ces idéologies du bonheur. L'historien montre ainsi que leur diffusion se réalisait aussi en partie par le bas grâce à un noyau de fidèles convaincus, ce qu’il appelle les « vrais croyants ». Vivre et croire en ce bonheur soviétique ou nazi, c'est créer une dissociation entre une réalité publique, théorisée et encadrée par le régime et une réalité invalidée, cachée et vécue au niveau personnel et intime.
Si aujourd’hui le concept de totalitarisme est historiographiquement débattu pour parler du nazisme ou de l’Union soviétique, il n’en reste pas moins que Le bonheur totalitaire donne à réfléchir au lecteur et permet d’aborder la question des grandes idéologies du XXe siècle par le prisme de leurs fausses promesses et de leur promotion par certains membres de leurs populations.