Un coup de coeur de Véronique M.
En parallèle, nous suivons la fuite d’Alexia qui, grâce au krav-maga appris lors de son service militaire accompli en Israël, est parvenue à échapper de peu à une mort certaine et à prendre le train pour rejoindre son Ardèche natale. Mais les truands comptent bien finir le travail, et reprendre le sac de billets et de cocaïne qu’elle a emporté dans sa cavale. Si on comprend aisément que la petite amie du macchabé du périphérique est la femme de la photo volée, celle-ci endosse plusieurs identités échappant au flic et au lecteur, telle une énigme fascinante et obsédante.
Sans le savoir, le flic et la fugitive sont liés par le fil invisible de leurs cauchemars et continuent d’ “avancer avec les morts à leurs côtés” : “comme chaque année, l’hiver ramenait ses fantômes”, ceux de la guerre de Corée dans laquelle Éperlan s’est enrôlé au début des années 50, et ceux d’Alexia qui a traversé la guerre du Kippour en 1973.
Le subtil chassé-croisé entre ces deux êtres “happés par les ténèbres” est d’abord politique puisque la pègre qui les traque a partie liée avec les membres du SAC, le Service d’action civique, ce groupe de sécurité du Général de Gaulle, accusé d’être un “état parallèle” . Eperlan croise la route de la journaliste Charlotte Saint-Aunix apparue dans le précédent roman de Xavier Boissel “Avant l’aube”. Celle-ci le met en garde de ne pas reproduire les erreurs de son ancien collègue Philippe Marlin, inspecteur qui a disparu sept ans plus tôt suite à son enquête dans les affaires sales de la Vème République. Car, bien qu’affaibli en 1974, le SAC a toujours des contacts à la PJ, dans les RG et au sommet de l’Etat…
Au milieu de la campagne sous la neige, Alexia et Eperlan “se réveillent dans les cendres d’un monde” qui se délite. Dans ce vaste “théâtre d'ombres”, le combat de ces survivants est-il voué à un espoir quelconque ? Entre scènes d'action et scènes oniriques, ce roman noir nous plonge au coeur de leur lutte “pour survivre, pour rejoindre cette nappe sensible qui relie les hommes et les bêtes et le ciel immense et l’air sauvage, pour ne plus subir et ne plus détruire.”