Un coup de coeur de Isabelle P.
Ce livre se situe dans la continuité à la fois de son remarquable travail ethnographique publié sous le titre Les Âmes sauvages mais aussi de son superbe récit Croire aux fauves qui racontait la manière dont elle avait survécu à l’attaque d’un ours lors de l’un de ses voyages de terrain en Russie.
Poursuivant son travail auprès des Gwich’in en Alaska, société de chasseurs cueilleurs en proie aux convoitises suscitées par la richesse en ressources naturelles de leur territoire et directement confrontés à la crise climatique, l’anthropologue traverse le détroit de Beiring pour cette fois-ci se rendre au Kamtchatka russe. Là, elle y fait la rencontre d’un groupe d’Evens, population autrefois nomade, parti retourner vivre dans la forêt à la suite de l’effondrement de l’Union soviétique.
Peut-on donc de nos jours retourner vivre dans la nature, en dehors d’un système capitaliste qui semble régir le monde? Peut-on s’affranchir de toute mondialisation, de la modernité et même du réchauffement climatique pour vivre autrement ?
Le livre ne fait pas la promesse d’un éden retrouvé. Cette petite communauté d’Evens vit dans un monde moderne et se retrouve aussi dépendante des règles du jeu des états que des lois de la nature. En revanche, le folklore dont on les habille, ils le refusent car inutile et surtout inefficient. Le dernier chamane a disparu mais Daria, l’hôte de Nastassja Martin, tente de renouer le dialogue avec son environnement, de retrouver ce langage perdu qui leur permettait d’être en connexion avec la vie qui les entoure, quelle qu’elle soit. Recommencer à rêver pour vivre, s’adapter, se transformer.
“Si nous avons à faire le deuil des formes connues jusqu’à présent, nous n’avons certainement pas à faire le deuil du monde”.
Nastassja Martin habite son livre avec une maîtrise et une sincérité qui vous emportent au-delà de toutes certitudes.