Boniment (n. m.) : propos débité pour convaincre et attirer la clientèle.
Ainsi, en triturant les mots qui agissent comme écrans de fumée dans la sphère publique, François Bégaudeau met à nu les ruses du Capital et des marchands. S’il y a les mots qui sont, plus ou moins, d’évidents mensonges, il y a ceux qui sont de fausses promesses, des illusions. Ceux-là perdent simplement leur sens originel et se trouvent dévoyés à force d’usage et de mésusage. Sortez un vocable du dictionnaire, mettez-le dans la bouche des coachs, managers, journalistes ou politiciens (soit des experts en boniments) et celui-ci devient un jingle de publicité.
Il en va ainsi, par exemple, de résilience. D’un concept emprunté à la psychologie (ce qui, au passage, révèle une certaine tendance à la psychologisation des techniques de communication), en ressort un mot d’ordre politique : oubliez indignez-vous et veuillez accueillir résiliez-vous. Les mots ont un sens mais peuvent aussi être chargés en symbolique. De cette façon, le simple fait de tenir un gobelet dans votre main (occupant, de préférence, votre seconde main à autre chose) fait de vous quelqu’un d’occupé, quelqu’un qui réussit, un winner. Mais il suffit que les marchands de santé dégainent le mot trouble pour faire de vous l’un de leurs doux clients. « Version bienveillante de la maladie, le trouble est prisé des marchands de soin obligés à la bienveillance. »
En poursuivant un travail de déconfusion et en se posant en sémiologue-sociologue empli d’ironie, François Bégaudeau nous livre donc un petit mais délicieux manuel de désenfumage intellectuel dont nous attendons déjà avec impatience le volume 2, puis 3, puis 4…
« Comme on a l'âge de ses artères, le marchand a l'opinion de sa bourse. » Autrement dit : les mots du capital sont des fenêtres avec vue sur la marchandise.
Découvrez le résumé de notre rencontre avec François Bégaudeau à propos du livre "Boniments".
Dans cette rencontre animée par Sylvie Hazebroucq, François Bégaudeau présente son livre Boniments, où il explore le concept de la société du spectacle, inspiré par Guy Debord, et la marchandisation croissante de nos vies. L'écrivain discute de l'intrusion du commerce dans notre quotidien, notamment à travers la technologie, et comment cela a transformé nos interactions et nos valeurs. L'auteur aborde également la genèse de son livre, né d'une série de petites mythologies sur le monde libéral, et comment ces réflexions se sont étoffées pour devenir un ouvrage complet sur les "boniments", ou les discours trompeurs de notre époque.
Au cours de cette conférence, François Bégaudeau s'interroge sur l'utilisation des mots et leur détournement dans le discours public et managérial. Il souligne l'importance de décrypter ces "boniments" pour comprendre ce qu'ils cachent réellement, et critique la manière dont le langage peut être utilisé pour manipuler et maintenir des systèmes inégalitaires. En filigrane, il exprime sa passion pour l'écriture et l'humour comme outils pour dénoncer les absurdités du monde moderne, tout en soulignant son scepticisme quant à l'impact réel des œuvres littéraires sur le changement social.