Un coup de coeur de Véronique M.
Alors que sa situation personnelle et professionnelle laisse croire à une entière réussite (Diego est un professeur réputé de littérature, marié depuis de nombreuses années avec Rebeca), le lecteur sait bien que ce n'est qu'une illusion, tant il tient à cacher l'histoire de sa famille qui, selon lui, est à l’origine de son passage à l’acte. Un récit tragique qui se rappelle douloureusement à lui lorsqu'il apprend que son père vient de décéder après vingt ans d’absences/ de rupture de relations/liens. Diego le déteste tellement que ce père n'aura pas de prénom, secret tenu jusqu’au dernier mot du roman comme une délivrance finale. Malgré la haine, la mémoire se met en marche et raconte trois générations (Diego, son père et son grand-père Simon) pour rendre compte d'un passé qui ne passe pas, de vengeances transmises de pères en fils mais qui témoignent aussi d’un déchirant besoin d’amour et de paix.
Comme les inoubliables “La tristesse du samouraï” et “Toutes les vagues de l’océan”, lire “Le fils du père”, c'est se plonger dans les tréfonds de l'âme humaine, à la recherche des secrets, mensonges et non-dits qui transforment les victimes en bourreaux, répétant le même cycle de violences. Ce roman noir interroge la possibilité de rompre la chaîne fatale : lire jusqu’à l’obsession les philosophes et les écrivains reste alors pour Diego le seul refuge “car c’était un endroit où le Mal ne pouvait m’atteindre”. Même si “tout ne peut pas être expliqué, et encore moins compris”, écrire devient la seule boussole vitale, donnant un possible sens au chaos du monde.