Un coup de coeur de Paul M.
Une larme coule du buste de la statue impassible, à l’allure impériale, de la figure romaine.
Une goutte, laissant miroiter les divers aspects de sa vie sociale.
Finalement, de nombreuses larmes coulent. Et son image de rudesse se volatilise…
Avec cet essai historique captivant, Sarah Rey retrace tous les aspects de ces larmes, ces manifestations corporelles aux rôles sociaux incontestables. Et par ce biais, nous offre une nouvelle grande histoire des émotions antiques.
Cette étude part de la place du deuil dans le domaine public. Les normes sont strictes et les cérémonies sont affaires de tous. Les larmes ont alors dans ce contexte une place conventionnelle et deviennent des actions corporelles de circonstances. Dans la sphère religieuse, pleurer peut prendre la forme du funeste, de la superstition mal considérée ou de rites collectifs. Au niveau de la famille, cela peut représenter la piété. A l’échelle politique, les larmes peuvent jouer un rôle diplomatique ou encore être synonyme de clémence dans la gouvernance, à la manière d’Auguste. Dans l’art oratoire également, elles avaient un rôle primordial ; de la persuasion par la pitié dans la justice (Cicéron clôturant son discours par une larme) aux décisions politiques qui basculent grâce à l’usage de ces larmes (César traversant le Rubicon). Enfin, la philosophie et plus particulièrement le stoïcisme, avait une conception à la fois personnelle et à la fois représentative de ces expressions corporelles. Elle en faisait l’éloge de leurs contenances.
Ce cycle se clôt par les larmes “chrétiennes”, initiatrices d’un nouveau “régime des émotions”.
Sous toutes ses formes, elles pouvaient être bien ou mal considérées selon les circonstances. Et l’auteure, en faisant intervenir la grande historiographie romaine (Tite-Live, Suétone, Tacite etc..), nous dresse donc toutes ces contradictions, sans mauvaises interprétations.
Un ouvrage passionnant qui brise le mythe du romain infaillible, et qui dépeint les normes sociales de cette si riche période historique.