Après avoir déconstruit avec brio les mythes de la réussite et du mérite dans "Le Talent est une fiction", Samah Karaki revient avec un nouvel essai dans lequel elle interroge brillamment les mécanismes de l'empathie.
En s'appuyant sur les dernières recherches en neurosciences et sciences sociales, et en illustrant son propos avec de nombreux exemples tirés de l'actualité, notamment internationale, Samah Karaki déconstruit les idées reçues sur l'empathie et montre qu'elle est "intrinsèquement biaisée, peu fiable, et inadaptée comme boussole morale". Pourquoi ? Parce qu'il ne s'agit pas d'une qualité individuelle, innée et universelle, mais d'une construction sociale, dépendante de notre cadre politique, médiatique et culturel. En cela, c'est un concept qui n'échappe pas aux dynamiques de domination : l'empathie peut être sélective et invisibiliser le vécu des minorités.
Par ailleurs, Samah Karaki souligne que si l'empathie est un outil important pour imaginer l'expérience de l'autre, elle n'encourage pas nécessairement l'action altruiste. Elle n'est donc pas suffisante pour résoudre les conflits et lutter contre les inégalités, et ne peut se substituer à la mise en œuvre de politiques publiques et au droit international.
Un essai absolument remarquable, d'une grande rigueur intellectuelle, qui invite à repenser notre conception de l'empathie pour bâtir une société plus juste et plus solidaire.