Après avoir déconstruit avec brio les mythes de la réussite et du mérite dans "Le Talent est une fiction", Samah Karaki revient avec un nouvel essai dans lequel elle interroge brillamment les mécanismes de l'empathie.
En s'appuyant sur les dernières recherches en neurosciences et sciences sociales, et en illustrant son propos avec de nombreux exemples tirés de l'actualité, notamment internationale, Samah Karaki déconstruit les idées reçues sur l'empathie et montre qu'elle est "intrinsèquement biaisée, peu fiable, et inadaptée comme boussole morale". Pourquoi ? Parce qu'il ne s'agit pas d'une qualité individuelle, innée et universelle, mais d'une construction sociale, dépendante de notre cadre politique, médiatique et culturel. En cela, c'est un concept qui n'échappe pas aux dynamiques de domination : l'empathie peut être sélective et invisibiliser le vécu des minorités.
Par ailleurs, Samah Karaki souligne que si l'empathie est un outil important pour imaginer l'expérience de l'autre, elle n'encourage pas nécessairement l'action altruiste. Elle n'est donc pas suffisante pour résoudre les conflits et lutter contre les inégalités, et ne peut se substituer à la mise en œuvre de politiques publiques et au droit international.
Un essai absolument remarquable, d'une grande rigueur intellectuelle, qui invite à repenser notre conception de l'empathie pour bâtir une société plus juste et plus solidaire.
Découvrez le résumé de notre rencontre avec Samah Karaki à propos de son livre "L'empathie est politique"
Dans cette rencontre animée par Arnaud Chaigneau, Samah Karaki présente son livre L'empathie est politique, où elle explore les différents aspects de l'empathie et ses implications politiques et sociales. Elle met en lumière la complexité de l'empathie, souvent perçue comme un remède universel aux problèmes du monde. Samah Karaki souligne que l'empathie peut conduire à une compréhension biaisée et communautariste, où l'on n'accorde de la compassion qu'à ceux qui nous ressemblent, tout en ignorant les autres. Elle critique l'idée que l'empathie puisse résoudre des enjeux systémiques, arguant que cette charge ne devrait pas reposer sur les relations intimes mais plutôt sur des actions collectives et structurées.
Au cours de la discussion, l'auteure aborde également la différence entre empathie et compassion, soulignant que comprendre l'autre nécessite un effort délibéré et énergivore. Elle insiste sur le fait que nous ne pouvons jamais pleinement comprendre l'expérience de l'autre, car chaque individu possède une perception unique du monde. Samah Karaki invite à dépasser les biais personnels et à embrasser l'altérité en apprenant à écouter activement sans se centrer sur soi-même. Elle appelle à une responsabilité collective pour construire un monde plus juste, où les décisions sont fondées sur une compréhension objective et non sur des préjugés ou des hiérarchies culturelles.