Une découverte de l'Art nouveau belge à travers les oeuvres d'Henry van de Velde, figure emblématique de ce courant. Marqué par le néo-impressionnisme de Georges Seurat et Paul Signac, il poursuit une carrière d'architecte et de designer en Allemagne. A sa suite, une génération de jeunes artistes-artisans s'engagent dans cette voie, tels Georges Lemmen et Alfred Finch. ©Electre 2025

Tome IV

Réalisé sous la direction de Borys Delobbe (CERTA-UCLouvain) et Jonathan Mangelinckx, avec une préface d'Anne Van Loo, cet ouvrage collectif clôt la série « Art nouveau belge : Vers l'idéal », initiée en 2019 avec un premier tome consacré à Victor Horta, puis continuée en 2022 avec un second livre autour de la personnalité de Paul Hankar et un troisième en 2024 faisant la part belle à l'héritage de Gustave Serrurier.

Mais ce tour d'horizon de la création Art nouveau en Belgique au tournant du XIX^e siècle ne pouvait être « complet » sans en envisager la quatrième figure tutélaire, Henry van de Velde (1863-1957), dont la carrière d'architecte et de designer fut essentiellement menée en Allemagne, à Weimar en particulier. À la fin des années 1880, par le biais du groupe des XX à Bruxelles, il se lia avec plusieurs autres jeunes peintres qui, comme lui, embrassèrent le néo-impressionnisme de Georges Seurat et Paul Signac avant de se transformer en artistes-artisans animés par un même désir, irrésistible, de rénover en profondeur les arts décoratifs : Georges Lemmen (1865-1916), Alfred William Finch (1854-1930) et Théo Van Rysselberghe (1862-1926) incarnent avec Henry van de Velde une veine de l'Art nouveau belge qui s'employa à conquérir les pages des livres, les flancs des meubles, les formes des objets usuels, la terre à l'origine des céramiques.

Les innombrables oeuvres et archives rassemblées sur près de deux décennies par Jonathan Mangelinckx servent ici de support essentiel à la recherche : comme en archéologie, les nouvelles découvertes matérielles amènent à sans cesse revoir ce que l'on croyait avoir définitivement établi. Dans son introduction, Françoise Aubry (conservatrice honoraire du Musée Horta) explore ainsi le raffinement constant de la connaissance qui se joue au niveau des couleurs, des lumières et des ombres dans l'intérieur Art nouveau considéré comme un paysage. Tout est toujours affaire de perspective.

Du fil de leurs contributions, Mario Baeck (Gilliot & Roelants Tegelmuseum), Jane Block (University of Illinois, Urbana-Champaign - Professor Emerita), Benjamin Zurstrassen (Musée Horta) et Clément Dessy (FNRS-ULB) dressent dans ce quatrième et dernier tome le portrait d'une génération d'artistes qui marquèrent radicalement une époque en plein bouillonnement. Et ce parfois bien au-delà des frontières de la Belgique, à l'instar d'Alfred William Finch qui devint un apôtre du modernisme en Finlande ; grâce aux photographies d'Antoine Grenez, sa production céramique au sein de la société Iris à Porvoo retrouve enfin des couleurs dignes de ce nom.

En diagonale, plusieurs tendances très différentes se dégagent des créations rassemblées dans cet ouvrage : par leur simplicité à la fois naïve et moderne, les bois gravés de façon artisanale par Max Elskamp entretiennent des liens avec les terres cuites d'Alfred William Finch datant de sa période belge, tandis que Georges Lemmen, notamment dans ses papiers de garde, et Henry van de Velde s'écartèrent tous deux de l'ornement naturaliste pour aller vers l'abstraction, des années avant qu'elle ne s'exprime dans les beaux-arts.

Finalement, en l'espace de quatre tomes, se dresse le panorama d'un Art nouveau belge plus complexe et contemporain que jamais, comme une invitation à dépasser les limites figées par nos certitudes, à élargir notre regard pour continuer de s'ouvrir à l'inattendu.