Récit d'un "broussard" évoquant les coups durs, les nuits glaciales après les journées torrides, les quartiers de mouton rôti succédant aux affres de la faim et de la soif. Une source de renseignements sur l'ouest saharien au début du siècle. ©Electre 2024

La silhouette de Frèrejean se dessine dans l'ombre des grandes figures de l'histoire de la pénétration française en Mauritanie : Coppolani le pacifique et Gouraud le conquérant. La physionomie de ce soldat, une des plus originales et des plus truculentes qui se puissent voir, vaut d'être mise en lumière. L'homme d'action s'affirme dans un récit animé et coloré, plein d'entrain et de détails précis. Le « broussard » évoque avec complaisance les coups durs, les rezzous, les nuits glaciales après les journées torrides et les aubaines mémorables, les quartiers de mouton rôti succédant quelquefois aux affres de la faim et de la soif. Auteur passionné, Frèrejean sait être passionnant, grâce à un style teinté souvent d'une pointe d'humour.

C'est d'un trait vif et sûr qu'il croque les silhouettes pittoresques des chefs maures ou sénégalais, drapés dans leurs burnous de parade. Au portrait, Frèrejean ajoute pour chaque personnage rencontré, le nom, la filiation, le sobriquet, les signes particuliers, la tribu, les alliances et, souvent même, des indications sur les goûts et la fortune ! Il nous représente aussi les principaux chefs religieux, tels qu'ils lui sont apparus dans leur majesté et aussi dans leur humanité ; les émirs en titre et leurs véritables rivaux, frères, oncles, neveux, cousins ; les guerriers les plus prestigieux avec leurs exploits et naturellement leurs adversaires.

Il entraîne aussi le lecteur dans la « tournée des popotes », lui fait suivre les rivalités, les intrigues, les influences de chapelles qui agitent le microcosme des officiers coloniaux. Ceux-ci ne paraissent ni des héros de légende, ni des forbans, mais dans l'ensemble des hommes d'une énergie et d'un dévouement au-dessus de la moyenne. Sans doute, ses jugements - souvent à l'emporte pièce - ne peuvent être repris sans réserve. Mais ses Mémoires demeurent un document de grand intérêt, une des meilleures sources de renseignements sur l'ouest saharien au début du siècle.

Le grand mérite de Frèrejean est de parler exclusivement de ce qu'il a vu. Ses Mémoires ne laisseront pas le lecteur indifférent. L'historien lui saura gré d'avoir légué un témoignage précis et sincère sur les hommes et le pays qu'il a passionnément aimés.