Édito

« Haute trahison », « la grande braderie », les idées de titre pour ce numéro 6 ne manquaient pas et toutes disaient qu'il était temps d'instruire le procès de notre classe politique.

Car n'est-ce pas pour assurer la pérennité de la famille Dassault que l'exécutif arme des pays potentiellement ennemis ? N'est-ce pas pour le plus grand bénéfice de quelques grandes entreprises privées et quelques financiers que les socialistes, une fois au pouvoir, retournent leur veste et s'appliquent à détruire méthodiquement les droits sociaux et à déréguler le secteur de la finance ? N'est-ce pas dans le but de faire construire du neuf en « partenariat public-privé », par Bouygues ou Vinci, que nos dirigeants vendent à bas coût les biens immobiliers de l'État ? Nous avons enquêté sur chacune de ces questions, en essayant d'apporter des preuves tangibles.

Le verdict est sans appel : l'élite est coupable de collusion contre la majorité des citoyens. En effet, la différenciation entre public et privé n'a plus de sens quand on sait que les membres de l'élite viennent des mêmes grandes écoles, parcourent les mêmes golfs et s'unissent entre eux. Passant allègrement des grands corps d'État aux conseils d'administration d'entreprises, ils utilisent le pouvoir politique pour faire avancer leurs intérêts économiques et récupérer dans le privé les prérogatives et les richesses qu'ils ont fait perdre au public. La majorité des citoyens, eux, subissent au quotidien la violence des désengagements de l'État et la trahison des élites. Eux risquent de se faire assassiner en pleine ville ou, tout simplement, de mourir plus jeunes que leurs parents, car l'espérance de vie est en recul pour la première fois depuis 1969.

Répondons tout de suite aux objections votre honneur : nous n'avons pas sombré dans la théorie du complot. Les mécanismes que nous décrivons sont bien réels et ils sont portés depuis des décennies par des individus en chair et en os. Nous avons ainsi retracé le parcours de Jean-Charles Naouri, directeur de cabinet du ministre des Finances du gouvernement socialiste de 1982 à 1986, et défini comme l'« architecte principal de la dérégulation des marchés financiers » par... Wikipédia. Aujourd'hui, le brave homme est à la tête du groupe Casino (Leader Price, Monoprix, Casino) qui vend de la nourriture industrielle dangereuse pour la santé en exploitant les agriculteurs et les petits commerçants en France et dans le monde. Comme beaucoup d'autres, il est coupable d'avoir pris à la collectivité pour donner au secteur privé et, au passage, s'en mettre plein les poches.

Quelle peine réserver à une classe politique devenue trop inquiétante pour monopoliser le pouvoir ? Le lui reprendre bien sûr, mais aussi faire en sorte qu'elle ne se reforme jamais. Pour ça, il faut penser à des structures démocratiques même là où nous avions l'habitude de laisser ça à une petite élite : la défense et la sécurité doivent ainsi revenir aux citoyens. Si nous voulons sortir du cercle vicieux des conflits mondiaux qui charrient leurs lots de réfugiés, attentats et tensions identitaires, il va falloir reprendre à nos élites intéressées la compétence de décider de la paix ou la guerre, par des référendums sur chaque intervention militaire, et contribuer nous-mêmes à la sécurité de notre pays : rétablir une garde nationale indépendante du pouvoir central serait une réponse nettement plus responsable et efficace aux attaques qui ont endeuillé notre pays que les gesticulations constitutionnelles d'un Gouvernement en fin de règne.