Un coup de coeur de Mollat
Vassili Peskov, reporter, révéla au grand public dans son livre Ermites dans la taïga l'existence de cinq personnes d'une même famille qui, depuis 1928, fuyant la politique de collectivisation instaurée par Staline (suppression de la propriété privée, partage des terres et déportation massive des riches paysans vers les goulags), avait réussi à vivre de manière précaire en pleine taïga, jusqu'à ce que, après des années de disette, on les retrouve pour les sauver d'une mort qui semblait certaine. Leur histoire, cette passion mise à survivre indéfectiblement, avaient bouleversé les lecteurs du monde entier, un peu orphelins de les quitter. La morale de leur aventure était néanmoins très sévère et injuste car tous disparurent avant leur heure du fait de leur incapacité à se réadapter au monde moderne. Bref, la civilisation leur avait été fatale. Vassili Peskov ne pouvait cependant pas les abandonner et il mit un point d'honneur à entretenir des liens étroits avec eux et notamment la vieille Agafia, dont la personnalité lui semblait incontestablement constituer l'une « des plus fascinantes et des plus attachantes qui soient. »
Le texte qui paraît aujourd'hui est le fruit de ces nombreuses rencontres. A chacune des visites qu'il effectue, il nous permet d'assister au spectacle du quotidien de cette femme hors du commun, cultivant sa terre, pêchant ou construisant une nouvelle cabane, aidée de temps à autre par quelques personnes désireuses d'accomplir une sorte de retraite pour mieux repartir vers la civilisation après avoir goutté quelques mois voire quelques années à une vie des plus authentiques. En un temps si troublé, le récit d'une telle expérience, ses résonances et le sentiment qu'elle a réveillé chez beaucoup de lecteurs constituent une belle leçon de vie et peut-être aussi un modèle. Longue vie à Agafia et à celles qui lui ressemblent…