Un coup de coeur de Mollat
Transformer, le verbe est juste, car au fil des pages Mann nous dévoile l'ampleur des mutations causées par la main de l'homme, main européenne en occurrence. Si l'arrivée des colons espagnols puis anglais perturba la vie autrefois paisible des différentes tribus indiennes du continent, il s'avère que ce sont les conséquences écologiques provoquées par les travaux coloniaux qui modifièrent considérablement les vies humaine, végétale et animale.
L'apparition de nouvelles maladies jusqu'ici inconnues telle que la malaria ou la dysenterie entraînèrent la mort de milliers de colons durant des décennies. Parmi les multiples transformations de la nature nous noterons le développement des moustiques (porteurs du virus de la malaria) dû à l'assèchement des marais ; la déforestation causée par l'exploitation de plus en plus importante du tabac (plante qui absorbe tous les nutriments de la terre ce qui implique un temps de repos d'une à deux années avant de permettre une nouvelle plantation ; face à la forte demande, les colons ont préféré déboiser pour assurer le rendement plutôt que de respecter le cycle naturel) ou encore la formation de l'homogénocène, c'est-à-dire l'uniformisation de l'écosystème à l'échelle de la planète (due à l'apport de plantes ou animaux qui n'existaient pas sur le continent).
Vous l'aurez compris, 1493 n'est pas seulement un livre historique. Les liens étroits entre histoire et science constituent ce que Mann nomme l'histoire écologique. Cet ouvrage ouvre de nouvelles voies pour une meilleure connaissance du monde. Une approche inédite des débuts de la mondialisation qui nous éclaire encore davantage sur l'importance des moindres détails et démontre la complexité et la richesse de notre monde où la modification la plus infime peut avoir des répercussions inimaginables. Le cycle vicieux dans lequel le monde est entré en ce début de XVIe siècle nous permet de mieux comprendre les enjeux de l'ère actuelle.