Un coup de coeur de Mollat
Cet ouvrage remarquable souligne l'exceptionnelle richesse et les nombreux contrastes du XVIIe siècle. Diversité historique, bien sûr, puisque quatre périodes politiques se sont succédé – régences et règnes de Marie de Médicis, Louis XIII, Anne d'Autriche et Louis XIV – mais aussi et surtout artistique, l'éclatant modèle baroque, venu de peintres flamands comme Pierre Paul Rubens ou Antoon Van Dyck, étant peu à peu supplanté par un classicisme épuré, un retour aux modèles antiques. Mais on aurait tort de simplifier en isolant ces deux mouvements si différents soient-ils ; en effet, le classicisme est bel et bien apparu dans les années 1630, comme le souligne le catalogue, il a donc cohabité avec le baroque. D'ailleurs, les tableaux d'un peintre comme Laurent de La Hyre, par la diversité de leur traitement et de leur sujet, illustrent parfaitement ce propos : Le Jugement de Salomon (1630), tableau on ne peut plus sérieux et dramatique, n'a-t-il pas été peint à seulement deux ans d'intervalle de Deux chiens dans un paysage (1632), scène rurale plus fantaisiste dans laquelle deux chiens se disputent des abats ?
Le catalogue analyse avec justesse ce qu'on ne peut ici qu'esquisser : le baroque est caractérisé, en peinture, par des couleurs chatoyantes, un intérêt pour les courbes et les diagonales. Le contenu est souvent foisonnant, le sujet parfois abordé dans toute sa trivialité, la diversité des expressions faciales affirmée. Les genres picturaux se multiplient et paysages, natures mortes, scènes de genre prennent toute leur importance à cette époque. Pour ne citer qu'eux, les frères Le Nain, peintres majeurs de cette période, influencés par Le Caravage et le modèle flamand, jouent sur des effets de clair-obscur tout en multipliant les scènes de genre.
Pourtant le classicisme s'impose progressivement. L'identité française s'affirme, ce qui conduit à la création, en 1648, de l'Académie royale de Peinture et de Sculpture. L' Antiquité, la mythologie sont remises au goût du jour. Nicolas Poussin, s'attache, dans ses tableaux, à représenter toutes les expressions de la passion tandis qu'un genre mineur comme le paysage prend une nouvelle importance avec Claude Le Lorrain. Pierre Patel l'Ancien, quant à lui, introduit en précurseur l'esthétique des ruines. L'influence française gagne en puissance et les Flamands y sont sensibles ; le peintre Bertholet Flémal s'inspire du style de Poussin en faisant appel lui aussi, dans ses compositions, à une palette épurée, à une « linéarité géométrique ». Le catalogue propose d'abord différentes introductions – historique, culturelle – qui aident le lecteur/spectateur à mieux appréhender le contexte de l'époque. Puis vient une impressionnante sélection de tableaux : peintres majeurs tels Pierre Paul Rubens, Antoon Van Dyck, Philippe de Champaigne, les frères Le Nain, Nicolas Poussin mais aussi artistes moins connus du grand public comme François II Pourbus, Thomas Willeboirts-Bosschaert, Bertholet Flémal (surnommé le « Raphaël des Pays-Bas »), Laurent de La Hyre, Gaspard Dughet . Cette seconde partie est elle-même subdivisée en quatre sections : « Présence des peintres flamands à Paris », « Appropriation du modèle flamand par les artistes français », « Invention du classicisme » et enfin « Influence de la peinture française sur les provinces belges ». Ces chapitres sont toujours précédés d'une courte introduction et dotés d'un système d'entrées par nom de peintres.
Plus qu'un simple catalogue d'exposition, un beau livre, réalisé avec une reliure et un papier couché mat du plus bel effet. Quant au contenu, le riche panorama pictural ménage des découvertes. L'exposé est précis mais clair, la typographie tout à fait lisible, les couleurs des tableaux fidèlement reproduites et la mise en page aérée.
Autant de bonnes raisons pour les amateurs d'art de venir le découvrir !