Un coup de coeur de Mollat
Après le superbe L'Art de Morris pour les fêtes de fin d'année et avant un album classique par le duo Jul/Achdé en novembre 2016, Matthieu Bonhomme rend hommage au personnage avec L'homme qui tua Lucky Luke.
S'il y a une seule chose à reprocher à cet album, c'est son titre racoleur, qui fait au lecteur une promesse qu'il tient d'une manière un poil trop téléphonée. Pour le reste, c'est un grand plaisir de lecture.
Matthieu Bonhomme ne cherche pas à se mesurer graphiquement à Morris, il en a capté l'essentiel, qu'il incorpore à son dessin : la silhouette longiligne de Lucky Luke et ses postures, les chevaux, la nature et surtout, les couleurs si particulières, si expressives de Morris.
Comme il se doit pour un bel et bon hommage, Matthieu Bonhomme pousse le personnage dans ses retranchements. Dans le cas de Lucky Luke, le sevrage de nicotine l'amène à plusieurs reprises à abandonner son flegme et son sang-froid légendaires. Cette fébrilité, ces énervements ponctuent l'histoire d'excellents moments de tension, parfois comiques, parfois dramatiques. Par l'expression et l'exploration de ce manque, Matthieu Bonhomme parvient à donner au cow-boy une dimension supplémentaire, émouvante : le personnage de cartoon se double d'une épaisseur et d'une véracité d'homme. Il en va de même avec le lien quasi filial qui se tisse entre Lucky Luke et Doc Wednesday ou la dynamique frère/sœur qui structure les rapports entre Luke et Laura Legs.
Hors de la série principale et donc exempté de l'obligation de faire drôle, Matthieu Bonhomme livre une histoire à la fois intense et crépusculaire puisque les motifs d'espérer (l'attitude finale des frères Bone) côtoient ceux de désespérer (le trentenaire Lucky Luke prend conscience de l'inéluctabilité de la mort). Bref, un album qui parle aux adultes que nous sommes devenus.