Un point de vue sur la photographie de ces 40 dernières années. L'auteur étudie en quoi l'apparition des grands formats et l'entrée au musée de la photographie contemporaine a inscrit cette dernière dans des problématiques du rapport de l'oeuvre au spectateur, à l'instar de l'art en général. Avec l'examen des photographes Jeff Wall, Andreas Gursky, Luc Delahaye, etc. ©Electre 2024

Pourquoi la photographie a aujourd'hui force d'art

L'apparition des grands formats et l'entrée de la photographie au musée, à partir des années 1970, a installé la question du rapport qui se noue entre l'oeuvre et le spectateur au coeur des préoccupations d'une nouvelle génération d'artistes.

L'historien et critique d'art Michael Fried étudie cette évolution majeure de la photographie à travers les images de Jeff Wall, Andreas Gursky,Thomas Struth, Bernd et Hilla Becher, Thomas Demand, Rineke Dijkstra, Candida Höfer, Hiroshi Sugimoto, Luc Delahaye et Jean-Marc Bustamante, entre autres artistes. Prenant appui sur des textes choisis de Heidegger, de Hegel, de Wittgenstein et de Roland Barthes, il analyse notamment les notions d'antithéâtralité, d'absorbement, de quotidien et de punctum, essentielles à la compréhension de la pratique photographique de notre temps. Il souligne ainsi les enjeux qui ont permis à la photographie d'avoir aujourd'hui force d'art.

À partir des années 1970, la photographie voit ses formats s'accroître et sa visée changer : les images se destinent désormais aux murs des musées. Les questions relatives à la place du spectateur devant l'oeuvre ne sont plus, dès lors, l'apanage de la peinture. Problématique du regard, intentions de l'artiste, autonomie esthétique de l'oeuvre sont autant d'interrogations que la photographie contemporaine inscrit au coeur de sa réflexion, réactualisant au passage les notions de théâtralité, de littéralité et d'objectité précédemment étudiées par l'auteur (en particulier dans Contre la théâtralité. Du minimalisme à la photographie contemporaine, Gallimard, 2007).

Heidegger, Wittgenstein, Barthes sont ici convoqués pour éclairer la fonction de l'absorbement, la mise en scène du quotidien et le pouvoir du punctum (l'effet de surprise ou de choc suscité par l'image photographique). Les dispositifs d'absorbement et d'exclusion du spectateur sont étudiés dans l'oeuvre de Jeff Wall comme dans celle de Thomas Struth, de Thomas Ruff, d'Andreas Gursky et de Luc Delahaye. Le concept d'objectité, quant à lui, est revisité à la lumière des images de Bernd et Hilla Becher, de Wall et de Welling.