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Arnaud Fossier - Les cathares, ennemis de l'intérieur

La croisade contre les hérétiques : entre mythe et histoire.
Publié le 22/09/2025
Arnaud Fossier vous présente son ouvrage "Les cathares, ennemis de l'intérieur" aux éditions la Fabrique. Entretien avec Roxane Chila.
Dans ce livre, l'historien Arnaud Fossier s'attache à déconstruire les mythes et les récupérations historiques qui entourent les cathares. Dès le 19e siècle, ce mythe est instrumentalisé à des fins politiques, avec les protestants qui se reconnaissent dans la contestation de l'autorité papale, ou les fédéralistes qui voient dans la dissidence une résistance au pouvoir central. Plus récemment, les cathares deviennent un argument commercial, avec l'appellation "Pays Cathare", un label marketing pour le tourisme et la gastronomie locales, sans lien historique réel. L'historien propose de revenir aux sources pour démêler le vrai du faux.

L'étude des sources est la pierre angulaire de son travail. L'auteur souligne l'absence de sources écrites par les cathares eux-mêmes, qui n'ont laissé aucune trace de leurs croyances ou de leurs pratiques. Ils ne se désignaient d'ailleurs jamais comme "cathares", un terme employé pour la première fois par un moine allemand en 1163 pour désigner un ennemi. Les seuls documents disponibles sont ceux produits par leurs détracteurs, des clercs catholiques et des pouvoirs en place. Les textes juridiques, comme les décrétales papales du 12e siècle, sont particulièrement éloquents. Ils montrent comment l'hérésie est devenue une arme politique pour l'Église, un crime de lèse-majesté, permettant de justifier la répression et l'expansion territoriale.

Arnaud Fossier replace l'émergence des dissidences dans le contexte de la réforme grégorienne. Cette grande réforme de l'Église, lancée au 11e siècle, visait à renforcer l'autorité du clergé et à purifier ses mœurs, tout en accentuant la mainmise de l'Église sur le plan économique. Elle a suscité une vive contestation de la part de fidèles qui reprochaient au clergé son manque d'exemplarité et son enrichissement. Le groupe dissident est constitué d'une petite chevalerie déclassée, de notables de village, et des nouvelles couches sociales urbaines, comme les marchands et les artisans, déconsidérés sur les plans moral et professionnel par l'Église. C'est donc dans une soif de retour à l'évangélisme et une aspiration à un rôle politique que s'est construite cette dissidence.

Enfin, l'historien revient sur la place des femmes au sein de la dissidence. Contrairement à un mythe historiographique longtemps établi, la religion cathare n'a pas été une religion accueillante et égalitaire pour les femmes. Celles qui prêchaient étaient moins nombreuses et s'adressaient exclusivement à un auditoire féminin. De plus, les écrits cathares les considéraient comme responsables de la "chute" de l'humanité, une vision très misogyne, peu ou pas en avance sur leur temps.
Bibliographie